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PHÈDRE

Platon voie un représentant de la rhétorique ; pas davantage, qu’il confonde avec la controverse chicanière et vide des rhéteurs une dialectique sérieuse, qui s’est mise au service d’une philosophie qu’il critique sans la repousser tout entière : Zénon, c’est en effet le défenseur du « vénérable » Parménide (cf. Parménide 128 c-e), et ses héritiers, ce sont ces Socratiques de Mégare pour qui Platon a de l’amitié. S’il lui donne cette place, ne serait-ce pas plutôt qu’il songe à une autre dialectique, la sienne ? Mais la dialectique de Zénon a donné naissance à une éristique, à la dispute philosophique ou à l’escrime rhétorique (par exemple dans l’écrit de Gorgias Sur le non-être), peut-être même, dans son pays d’origine, à la chicane judiciaire. Or ce sont des tares auxquelles sa dialectique échappe, et la rhétorique qu’elle doit fonder sera d’une autre sorte. — Ce sont ensuite les procédés classiques de la rhétorique qui, au hasard de la rencontre, lui suggèrent les noms des maîtres (cf. p. 74, n. 2). Or les uns sont des Sophistes qui furent rhéteurs, soit qu’ils appartiennent, comme Protagoras, Prodicus, Hippias, à la première génération sophistique, ou bien à la seconde, comme Gorgias[1], Polus[2], Évènus ; d’autres sont des spécia-

  1. À la vérité, l’activité de Gorgias, sous l’influence, dit-on parfois, d’Empédocle, s’était déjà certainement exercée en Sicile avant son ambassade à Athènes en 427. Quant à la date de sa mort, pour la placer en 376 ou 370 comme on le fait d’ordinaire, on s’appuie sur la tradition qui le fait vivre cent sept, huit ou neuf ans. Ne peut-on supposer cependant que cette tradition se fonde sur une mauvaise lecture : ΡΖ (107), au lieu de ΠΖ (87) ? Confusion facile si, comme il arrive dans les anciennes écritures, le second jambage du ΠΖ était dans l’original plus court que le premier. La mort de Gorgias se placerait ainsi aux environs de 396. Par suite, on éviterait d’être obligé de croire que le Gorgias a été écrit alors que vivait encore le grand Sophiste. Et surtout, cela permettrait d’expliquer que dans le Banquet (198 c), dont la composition se place sans doute vers 384, Platon fasse dire à Socrate (par anachronisme, il est vrai, puisque la scène se place en 416) que le discours d’Agathon lui a remis Gorgias en mémoire et qu’il s’attendait à voir lancer sur son discours futur la tête même de Gorgias-Gorgone.
  2. Je laisse de côté Licymnius. Aristote, qui en outre le nomme comme poète dithyrambique (Rhét. III 12, 1413 b sq.), parle avec mépris de certaines nouveautés que sa Rhétorique avait introduites dans la terminologie usuelle (ibid. 13 fin) et note enfin que, d’après