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cl
PHÈDRE

autre âme ou pâtit de la part d’une autre, ce sont des discours par la force persuasive desquels elle sera amenée à telles façons de penser et de se conduire qui soient, en effet, ce qu’elles doivent être (270 b, 271 a déb. ; cf. Banquet 209 b fin sq., 210 bc).

La troisième condition est celle qui concerne le plus immédiatement la pratique. Elle comporte deux moments, dont le premier se rapporte peut-être à l’une et à l’autre, respectivement, des deux premières conditions (cf. 270 d 6). D’une part en effet il s’agit alors de dénombrer et de décrire des espèces d’âme ; or, après le second discours, on sait que l’âme est une chose composée, de sorte qu’il y aura nécessairement une diversité dans le rapport des éléments qui, dans chaque cas singulier, forment ce composé ; d’où une classification des « caractères », fondée sur un principe analogue à celui qui, en médecine, est à la base de la classification des « tempéraments ». D’autre part il y a lieu de procéder à un semblable dénombrement et classement des différentes sortes de discours, chacune étant affectée de sa détermination caractéristique[1]. — Une fois dénombrées et classées les

  1. Il semble difficile que cette classification des discours puisse ressembler à celle des rhéteurs : discours concis ou abondants, qui excitent la pitié ou bien la fureur, etc. Hermias (247, 29 sq.) parle de discours démonstratifs ou sophistiques, abondants ou secs : ce qui n’est guère plus vraisemblable. L’indication donnée par Platon, 277 c déb., discours variés ou simples selon la qualité de l’âme, est une indication bien générale. Elle suggère cependant l’idée qu’il y a des discours dont le ton est uniforme, par exemple entièrement dialectiques et démonstratifs, comme l’a été dans la Palinodie la preuve de l’immortalité ; d’autres où la poésie du mythe et l’analyse psychologique se mêlent à la dialectique et à la démonstration, comme l’est le tout de la Palinodie, qui précisément a été définie comme un mélange (265 b fin). On peut du reste préciser encore cette indication en considérant que les divers genres de l’âme auxquels doivent correspondre les différentes sortes du discours sont déterminés, semble-t-il, par la prédominance en elle de tel ou tel de ses composants. Ainsi, à une âme où domine l’intelligence on parlera la langue de la démonstration ; les encouragements conviendront à celle qui, capable d’entendre la voix de la raison, est plutôt caractérisée par la noblesse instinctive de ses sentiments ; la remontrance conviendra au contraire à l’égard d’une âme en qui dominent la passion et la démesure qui en est l’accompagnement. Ce que dit