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NOTICE

noter, à un double point de vue, celui des œuvres et celui de la discipline par laquelle ce soi-disant art serait communicable.


Œuvres :
la logographie.

Le premier point de vue apparaît lorsque, après le second discours de Socrate, est introduite, avec la supposition que Lysias écrira une réplique, la notion capitale de « logographie ». C’est d’autre part sur cette notion que s’achèvera l’examen de la rhétorique : qu’est-ce en effet, à la fin du Phèdre, que l’apologie de l’enseignement vivant sinon une condamnation de la composition oratoire écrite ? Mais, au lieu de prendre le terme dans son sens usuel et concernant spécialement la composition des plaidoyers, Platon le généralise (p. 56, n. 2) : légitimement, il signifie en effet l’acte d’écrire des discours. Peu importe que l’objet n’en ait rien de juridique, qu’il s’agisse par exemple de proposer ou d’édicter une loi, et même simplement de défendre une thèse spéculative ou de la combattre ; la forme littéraire, que ce soit de la prose ou des vers, n’est pas moins indifférente par rapport au caractère de l’œuvre (258 d fin ; 277 e fin ; 278 ce). Aussi a-t-on grand tort de mépriser ou de suspecter la « logographie » en raison de son application professionnelle : le jugement qu’on portera sur ce qu’elle vaut doit rester indépendant du fait qu’elle est, ou le métier des avocats qui écrivent pour les plaideurs, ou celui des Sophistes qui écrivent pour mettre en évidence (genre épidictique) leur talent de professeurs (257 c-258 d ; cf. 261 a-e, 278 bc). — Ce qui par contre constituera pour la « logographie » un vice essentiel et justement condamnable, c’est qu’elle fasse fi de la vérité par rapport au sujet qu’elle traite ; qu’au contraire elle soit uniquement soucieuse de l’opinion de ceux à qui elle s’adresse, soit pour la flatter en s’y conformant, soit pour la séduire. Quand en effet l’art dont elle procède se donne pour une « psychagogie », pour un art de mener les âmes, le seul objet qu’en cela il ait en vue est la persuasion. Or, si celle-ci ne se rapporte pas à la vérité, elle ne peut être qu’un artifice pour faire croire, en abusant de certaines similitudes, que ceci est cela et, aussi bien, le contraire. Toujours, en effet, et quel que soit le sujet de la composition oratoire, celle-ci se présente comme une opposition de thèses : c’est donc une controverse ou « antilogie »,