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NOTICE

Est-ce à la philosophie, qui par la méthode dialectique vise seulement à faire communier les âmes dans la vérité ? Sur le fond même de la question peut-être n’apporte-t-il rien qui soit spécifique. Il transpose toutefois la doctrine de la manière la plus instructive, autant dans son esprit que dans ses applications.

Sur un premier point cette transposition nous est rendue immédiatement sensible. Comme une conséquence de sa donnée initiale, l’éloge de l’Amour, le Banquet personnifiait celui-ci ; cependant il le qualifiait non pas de dieu, mais seulement de démon, de façon qu’il fût un agent de liaison entre les hommes et les dieux, un intermédiaire entre deux domaines radicalement distincts. Or, dans le Phèdre, à la place du démonisme de l’amour, nous trouvons dans l’âme la possession divine et l’inspiration. Que par là soit impliqué le démonisme ou quelque chose d’analogue, c’est bien certain (cf. p. cxxx sq.). Il n’en est pas moins vrai que, en mettant l’ « enthousiasme » dans l’âme de l’être sensible, en faisant de l’amour une des espèces, et la plus belle, de cette possession divine, on exprime la chose en des termes qui s’éloignent davantage de la mythologie, qui parlent plus directement à l’expérience humaine ; c’est en effet définir un état que chacun connaît plus ou moins, soit chez d’autres soit par lui-même : n’être plus soi ou être hors de soi. La conséquence en est que maintenant ce n’est plus le démon Amour qui est un être intermédiaire, c’est l’âme elle-même. C’est ce que le Phèdre établit doublement ; il le fait certes en un langage mythique, mais sur la signification de ce langage il n’y a pas de méprise possible. L’âme est d’abord intermédiaire en tant que tripartite, touchant à l’Intelligible par ce qu’il y a de meilleur en elle, au Sensible par ce qu’elle a de moins bon, avec une fonction moyenne entre ces deux extrêmes ; et cela n’est pas moins vrai des âmes divines que des âmes humaines (cf. p. cxx sq. et p. cxxxii). En second lieu la région qui est l’habitat naturel des âmes est elle-même une région moyenne : c’est le ciel astronomique, car les âmes des dieux sont les moteurs des astres et elles sont suivies tant bien que mal par les autres âmes ; de plus les astres sont les réservoirs de nos âmes (Timée 41 c-e). Or cette région touche d’un côté au lieu supra-céleste, c’est-à-dire au monde des Idées, et de l’autre au lieu d’ici-bas. Mais, sous cette forme, une telle conception se