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LE BANQUET

comiques, à moins que ceux dont maintenant c’est le nom ne deviennent, de façon authentique et suffisante, des philosophes (cf. Lois II 659 bc). Dès lors on peut se demander si le Banquet et Phédon ne se répondent pas, comme une comédie à une tragédie, mais mises en œuvre l’une et l’autre par la Philosophie.

C’est une question de savoir dans quel ordre ont été composés ces deux dialogues. Mais est-il bien utile de poursuivre un débat qui est historiquement sans issue[1] et qui n’importe pas pour l’intelligence du rapport existant entre les deux œuvres ? Peut-être cependant le Phédon (Notice, p. VII, n. 1) fournit-il un motif en faveur de l’antériorité du Banquet : Échécrate, à qui Phédon raconte la mort du Maître, est censé ne pouvoir ignorer quelle sorte d’homme est Apollodore (59 b), le narrateur de notre dialogue. Certes il est facile d’expliquer cela par une hypothèse quelconque, d’imaginer par exemple, avec Wilamowitz (Platon², I 359, 1), qu’Apollodore aurait été mis en scène dans un dialogue de Phédon, déjà connu d’Échécrate. Mais n’est-il pas plus prudent de n’alléguer que ce que l’on sait, et par Platon lui-même, c’est-à-dire de se référer au portrait, si précis et si vivant, que font de cet Apollodore les premières pages du Banquet (surtout 173 c-e) ?


Date de la composition.

Singulièrement plus importante est la question de savoir à quelle date on peut situer la composition du Banquet : ce qui permettrait en même temps de dater approximativement le Phédon, si l’on admet entre les deux dialogues une étroite connexion. On dit généralement que le Banquet ne peut être antérieur à 385. Aristophane y explique en effet (193 a) que Zeus nous a dissociés d’avec nous-mêmes, comme les Arcadiens l’ont été par les Lacédémoniens. Or le terme dont se sert ici Platon a une signification précise : il s’applique au châtiment qui était parfois infligé par un État suzerain à une cité vassale : pour la punir d’une infidélité ou d’une révolte, on en dispersait les habitants par groupes isolés ; on en brisait l’unité sociale. C’était un diœcisme (cf. p. 36, n. 1). Or, d’après Xénophon,

  1. Cf. mon livre Théorie platonicienne de l’Amour (1908), p. 117-120.