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PHÉDON

montée. Or, d’après le Timée (62 c), ce qui s’appelle le bas est le lieu où tous les corps de même sorte tendent à se rassembler en une masse homogène ; ici donc ce centre de la terre vers lequel descendent les eaux est un bas, pour cette seule raison que la cavité du Tartare est le lieu des eaux. Mais en revanche il n’y a aucune raison pour que, une fois atteinte la masse commune, les eaux qui y affluent de toutes les directions dépassent le centre géométrique de cette masse. Celui-ci cependant n’est pas, on l’a vu, une surface solide où elles trouveraient un point d’appui. Mais elles ne sont pas non plus elles-mêmes des forces de sens contraire qui, constamment égales, se feraient équilibre. En effet l’eau du Tartare est soumise à une sorte de balancement de haut en bas et inversement, mouvement comparable à celui de l’air dans la respiration (111 e, 112 b). À la vérité, le va-et-vient alternatif de l’air par les mêmes orifices ne répond pas exactement au cas présent. Sans doute la comparaison traduit bien ce fait qu’un départ d’eau est compensé par un apport, mais il y a ici quelque chose de plus : en même temps qu’une masse d’eau s’élève, une autre s’abaisse. Il semble donc que le choc mutuel des masses d’eau tombant de tous les côtés dans la cavité centrale y détermine tout près du centre une sorte de « barre », qui fait osciller le flot et le projette en même temps d’un côté et du côté opposé. Au surplus cette oscillation s’accompagne d’un bouillonnement du flot ; car l’air, avec le souffle qui l’accompagne, s’associe à ces mouvements (112 b ; cf. 114 a et p. 93, n. 2). Cette action parallèle de l’air et de son concomitant naturel s’explique d’ailleurs aisément par le mélange de l’air avec l’eau dans ces dépressions extérieures (cf. 109 b ; 110 c, e) dont les dépressions intérieures ne sont que le prolongement. De la sorte, à chaque mouvement de bascule, le souffle provoquera dans cette eau mêlée d’air des vents impétueux qui l’agiteront violemment.

En vertu donc de ce mouvement intérieur d’oscillation, dès qu’une masse d’eau s’est jetée dans le Tartare par une des bouches de celui-ci, aussitôt par une autre bouche une autre masse d’eau en jaillit : réceptacle commun de tous les fleuves de toute sorte, il en est aussi la commune source. Or, pour un même fleuve le rapport du point de départ et du point d’arrivée est bien déterminé : une masse d’eau jaillie du Tartare, en suivant le conduit qui à cet endroit s’offre à elle,