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NOTICE

l’éther, de l’air et des vapeurs avec de l’eau. La mer autour de laquelle nous vivons occupe le fond d’une de ces dépressions. Puisqu’elle n’est pas la seule, il est clair que notre habitat, s’étendant des colonnes d’Hercule au Phase (cf. 109 b), ne constitue qu’une toute petite portion de la terre.

Comme les dépressions sont pleines d’un air qui se mêle à des vapeurs et à de l’eau, et que la terre moyenne est toute faite de telles dépressions, les couleurs n’y peuvent garder les qualités qu’elles avaient sur la terre supérieure : les prétendues couleurs pures que distinguent les peintres ne sont en effet que de pâles échantillons de celles-là. D’autre part l’impureté de la lumière fait que la mer ou le sol brillent d’une couleur uniforme, dont le fond continu semble porter un bariolage (cf. p. 90, n. 1). — Ce qu’on sait déjà de la terre d’en haut suffit à faire deviner combien en ce bas monde doivent être imparfaites les conditions climatériques, les productions minérales (ainsi nos pierres précieuses ne sont que des éclats des gemmes d’en haut), végétales, animales, aussi bien que la vie, les sensations et la pensée des hommes. Pour la plupart de ces choses il existe une cause de dégradation ou de maladie : c’est la putridité qui infecte et la salure marine qui ronge[1]. Bref, dans ces bas-fonds de la terre il n’y a que laideur, souillure, corruption, et nous sommes, nous comme nos pareils, aussi inférieurs aux hommes de là-haut que l’eau l’est à l’air, et l’air à l’éther.

II. Maintenant Platon va nous introduire dans l’intérieur de la sphère de la terre totale. Ce dedans, la troisième terre, est en somme formé par des dépressions nouvelles de ces premières dépressions qui constituaient la terre moyenne ; elles en sont les prolongements, mais hors de notre vue ; car les lieux dont il va être question sont le domaine de l’Invisible (cf. 80 d). Or, c’est dans les parties basses de la terre moyenne que sont les mers et les lacs dont nous ne voyons pas le fond, que coulent les fleuves, dont plusieurs disparaissent à nos yeux dans les profondeurs de la terre. C’est donc par la constitution de la région intérieure qu’il s’agira d’en expliquer l’exis-

  1. Cf. 110 e. Sans doute la cause de la putréfaction est-elle encore cet air mêlé d’eau, qui altère les couleurs et fait aussi fermenter la terre ou ses productions ; cf. 109 b, 110 cd.