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PHÉDON

blance (cf. 108 c, d, e ; 114 d), et c’est pourquoi, tout comme la physique générale du Timée, elle se formule en un mythe, en une exposition narrative de ce que peuvent être selon toute apparence les faits dont il s’agit et leurs relations. L’objet de Platon est de concilier avec certaines données cosmologiques la conception finaliste qu’il s’est faite de l’univers et les exigences morales qui, dans sa pensée, ne se séparent pas de cette conception. Son point de départ est, comme on l’a vu, que les méchants doivent payer la peine de leurs fautes et les bons, recevoir la récompense de leur vertu ; ce qui suppose la survivance des âmes. La question est donc de savoir comment l’organisation physique du monde peut être vraisemblablement conçue pour satisfaire à ce double principe. Or tout cela lui tient beaucoup trop à cœur pour qu’on voie dans ce morceau, soit un jeu frivole, soit une concession aux croyances populaires ; mais il y a là, dira plus tard le Timée[1], comme une récréation pour le philosophe, qui se repose ainsi de la contemplation des pures Idées. En fait, dès que la complexité des choses concrètes ne permet plus de les rattacher à leurs essences intelligibles, le mythe devient indispensable ; mais, si en un sens, il est l’équivalent de la méthode des Physiciens (cf. p. xlvi, n. 1), c’est avec une exacte conscience de la valeur de l’explication qu’il apporte. Tout ce qui par conséquent n’a pu être démontré par la méthode logique appartient de droit à l’exposition mythique.

Une recherche d’origines dépasserait le cadre de cette notice[2]. C’est une tâche plus modeste, mais ici suffisante, d’analyser avec précision ce difficile morceau, en n’y cherchant que ce qui s’y trouve et en évitant de l’embarrasser par d’inutiles complications. Pour la clarté il semble préférable, au lieu de s’astreindre à suivre exactement l’ordre de l’exposition, de rassembler des indications dispersées et d’en distinguer qui s’entremêlent.

Le mythe se divise en trois parties : 1o  des considérations, générales et spéciales, sur la terre dans son ensemble (108 e-111 c) ; 2o  une description de l’intérieur de la terre et une hypothèse sur les phénomènes qui s’y produisent (111 c-

  1. 59 cd. Cf. mes Études sur la signification et la place de la Physique dans la philosophie de Platon, 1919, p. 15.
  2. Voir p. 87, n. 1 et p. 94, n. 1.