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NOTICE

participe du Pair, mais non pas le Pair de la Dualité. Ainsi, s’établit entre les essences cet ordre hiérarchique auquel Platon faisait tout à l’heure allusion (cf. 101 d 8) ; car la non-réciprocité de la participation signifie que l’Idée du pair est une essence plus haute et que l’Idée de la dualité lui est subordonnée. De plus, cette analyse montre de quelle façon doit être entendue l’indissolubilité des essences. Sans doute il semble bien que l’absolue simplicité appartienne ici aux essences de qualités, comme Pair et Impair, Chaud et Froid. Mais ces essences de choses, dont il est maintenant spécialement question, sont des essences composées : Trois est toujours un sujet d’inhérence pour l’Impair qui toujours l’accompagne, et Deux pour le Pair, et Feu pour le Chaud, et Neige pour le Froid. En résumé dans le Phédon on trouve une anticipation de cette doctrine de la « communion des genres », qui ne pourra qu’après les analyses critiques du Parménide recevoir dans le Sophiste son complet développement.

Une fois acceptée cette remarque générale sur la liaison nécessaire en certains cas des attributs à leurs sujets, il faut en déterminer les conséquences et les applications. — Tout d’abord, ce ne sont pas seulement les essences des contraires qui, en soi ou en nous, se repoussent mutuellement. Pareille exclusion mutuelle se retrouve dans des choses qui ne sont pas contraires[1] entre elles, mais qui possèdent toujours un contraire ; elles n’admettent point en elles la nature contraire de celle qui leur est inhérente ; mais, comme on l’a déjà vu (cf. 102 de, 100 a, d), ou bien elles se retirent et cèdent le champ, ou bien elles périssent. Ainsi trois et deux, bien qu’ils ne soient pas contraires entre eux, cesseront d’être plutôt que de devenir le premier, pair et le second, impair (104 bc). — Ceci admis, déterminons quelles sont ces choses. Ce sont celles auxquelles une essence, en s’imposant à elles dans la participation, confère non pas seulement la nécessité de posséder cette essence même, mais en outre la nécessité de posséder un contraire déterminé dont l’essence s’oppose à celle d’un autre contraire pareillement déterminé[2]. Ainsi

  1. C’est ce que dit pareillement Aristote au sujet de l’âme dans son argumentation de l’Eudème, cf. p. xliii, n. i.
  2. Le texte des manuscrits à la fin de la ligne 104 d 2 ne donne aucun sens acceptable. Plusieurs corrections ont été proposées. Celle que je conjecture permet de voir dans ce membre de phrase un