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PHÉDON

d’autres modes de liaison : une nouvelle analyse des contraires va faire apparaître une liaison nécessaire et absolue ; il y a des sujets qui par eux-mêmes et toujours ont la même ἐπωνυμία ; il y a des attributs essentiels, des épithètes nécessaires. — On a déjà convenu (cf. 102 d, e) que jamais un contraire ne sera à lui-même son propre contraire. Il s’agit à présent de s’entendre sur un autre point : chaud et froid sont deux contraires, et ils sont autre chose que le feu et la neige ; ces deux sujets ne peuvent cependant, en tant que tels et dans la permanence de leur nature (cf. 102 e), recevoir en eux l’un le chaud, l’autre le froid, ni devenir ainsi neige chaude et feu froid. À l’approche d’un contraire, c’est donc le sujet aussi, dont le contraire opposé est l’attribut, qui ou bien se retire, ou bien cesse d’exister, tout comme font les contraires eux-mêmes. Par conséquent il n’y a pas que l’essence, l’Imparité par exemple, pour être toujours ce qu’elle est et avoir toujours droit au nom qui la désigne en propre ; mais il existe encore d’autres choses, par exemple le trois, le cinq, etc., qui ne sont pas l’Imparité et que l’Imparité n’est pas non plus, et qui cependant possèdent toujours, à titre de caractère du sujet qu’elles sont et aussi longtemps qu’elles sont, la première essence, de sorte que toujours elles portent le nom de celle-ci en plus de leur propre nom : le trois, le cinq sont toujours impairs. De même inversement pour le deux, le quatre, etc. par rapport au Pair, bien que de part et d’autre l’essence ne soit pas identique (103 c-104 b).

Il convient de souligner au passage la portée de cette analyse. On sait déjà que la loi de la relation des contraires est valable dans l’ordre du sensible comme dans l’ordre de l’intelligible (cf. 102 e, 103 b). Dès lors les sujets qui possèdent nécessairement les contraires ne doivent pas être uniquement des sujets sensibles ; c’est du reste ce qu’on verra tout à l’heure (cf. 104 cd, 105 a). Donc, en outre de la participation à l’Idée de la dualité, qui fait que ceci est deux (cf. 101 c), il y a une autre participation, celle de l’Idée de la dualité à l’Idée du pair. En d’autres termes il n’y a pas seulement communion des choses sensibles aux essences idéales ; il y a aussi, pour certaines d’entre celles-ci, communion mutuelle ; enfin cette communion a sa loi propre, puisque la Dualité ne peut participer de l’Impair, puisqu’en outre elle