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PHÉDON

vient que, selon la vérité sinon selon le langage, ce n’est pas une propriété intrinsèque naturelle du sujet Simmias, ni du sujet Socrate ou du sujet Phédon, que le premier dépasse le second ou soit lui-même dépassé par le troisième. Mais le premier et le dernier possèdent respectivement de la grandeur par rapport à la petitesse du second ou par rapport à celle du premier. En d’autres termes Simmias, petit et grand, se trouve avec sa petitesse au-dessous d’un des extrêmes, avec sa grandeur au-dessus de l’autre (102 a-d).

Dans quelle intention Socrate s’est-il là-dessus mis d’accord avec Simmias ? C’est en vue d’obtenir son adhésion sur un second point. Pour lui, en effet, ce n’est pas seulement la Grandeur en soi qui toujours se refuse à être simultanément grande et petite, mais aussi la grandeur qui est en nous et comme attribut d’un sujet ; elle aussi se refuse à être petite et à se laisser surpasser. Mais de deux choses l’une : ou bien la grandeur se retire devant son contraire, la petitesse, auquel elle cède alors la place ; ou bien elle est détruite à l’approche de ce contraire ; dans tous les cas, la grandeur se refuse à attendre son contraire, à le recevoir en elle et ainsi à devenir ou à être autre chose qu’elle-même. Donc un tel, ayant participé à la Petitesse et l’ayant reçue en lui, est petit tant qu’il continue d’être le sujet qu’il est, avec son attribut « petit » lequel ne peut devenir ou être « grand » ; de même en lui l’essence de la Petitesse, tant qu’elle est précisément ce qu’elle est, ne saurait sous aucun prétexte devenir ou être grande (102 d-103 a). — Ainsi donc d’une part, en fait, les attributs contraires coexistent dans un même sujet, mais c’est relativement à d’autres sujets. D’autre part, en droit et absolument, les contraires s’excluent, aussi bien dans les sujets sensibles dont ils sont les attributs qu’en eux-mêmes et dans leurs essences intelligibles. Dans les sujets cependant auxquels ils appartiennent, leur mutuelle exclusion comporte une alternative : ou bien l’un des deux se retire devant l’autre, ou bien il est anéanti par lui de telle sorte que le sujet prend la qualification contraire de celle qu’il avait auparavant. Le problème est nettement posé : le principe de contradiction vaut pour le sensible comme pour l’intelligible ; mais, puisque les faits de l’expérience semblent le démentir, il faut chercher une explication de cet apparent démenti.

b. Une première solution est présentée sous la forme d’une