Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/51

Cette page a été validée par deux contributeurs.
xlvii
NOTICE

de l’autre, cette sorte de causalité fait son bonheur : si en effet l’Intelligence est la cause et l’ordonnatrice universelle, elle doit l’être aussi pour chaque chose en particulier et, dans sa nature ou dans ses propriétés actives et passives, l’avoir disposée pour le mieux. Quand donc on aura découvert ce qui est le mieux pour elle et inversement, du même coup, ce qui est le pire, on saura comment en expliquer la production, la disparition et l’existence. Ainsi le seul objet qui mérite les recherches du Physicien, c’est le bien et le meilleur (97 b-d). — Cette causalité du bien, à laquelle l’a conduit sa méditation sur la théorie d’Anaxagore, Socrate est impatient de l’appliquer aux problèmes particuliers de la Physique, comme ceux de la figure ou de la position de la terre, des mouvements du soleil et de la lune, etc. Pour expliquer tout cela et en découvrir la loi nécessaire, il doit suffire en effet d’expliquer en quoi il est mieux que cela soit comme il est. Autrement dit, c’est la finalité intelligible qui fonde la nécessité (cf. p. 70, fin de la n. 2). Une doctrine qui a trouvé dans l’Esprit, dans l’Intelligence ordonnatrice, la cause de l’ensemble de l’univers et aussi, sans doute, du détail de son organisation, inspire donc à Socrate les plus belles espérances. Il se hâte de lire le livre d’Anaxagore (97 d-98 b).

Mais cette lecture lui apporte une croissante déception ; elle le laisse au même point que ces Physiciens qui n’assignaient aucun rôle à l’Intelligence. Il s’aperçoit en effet qu’au lieu de faire usage de cette dernière dans l’explication spéciale des choses, Anaxagore, contre toute attente, allègue seulement des causes mécaniques : air, éther, eau, etc. C’est comme si, après avoir déclaré que toute l’activité de Socrate s’explique par l’intelligence, on alléguait ensuite, pour expliquer le détail de ses actes et de son langage, le système osseux et musculaire de son corps, le mécanisme des mouvements et des attitudes, l’émission de l’air par la voix et sa réception par l’ouïe. Mais procéder ainsi serait laisser de côté les causes véritables : que les Athéniens ont jugé meilleur de le condamner, et lui, meilleur de ne pas se dérober à la peine. Avec les causes invoquées tout à l’heure, on expliquerait tout aussi bien de sa part une conduite opposée ; elles ne sont donc pas les causes véritables. C’est une absurdité de se servir à leur sujet du mot cause ; car ce sont seulement les