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NOTICE

prompte ne peut contenter ; aussi poursuivra-t-on l’analyse de cette notion d’accord. — Un composé quelconque, et par conséquent un accord, ne doit être, ni dans sa nature, ni comme agent ou patient, autrement que ne le comportent les éléments dont il est fait (cf. 78 bc). D’où il suit que l’accord ne conditionne pas ses facteurs constituants, mais qu’il en est la suite ou le résultat ; il ne peut donc être en opposition avec ce qu’exigent ses éléments. Voilà un premier point acquis et convenu (92 e sq.). — En chaque cas, d’autre part, un accord musical est spécifiquement ce qu’il est par rapport à telles tensions des cordes et par rapport à tels intervalles des sons ; il ne peut pas plus être supérieur ou inférieur à ce que précisément il est, que ces intervalles ne peuvent être, par rapport à ce qu’il est, augmentés ou diminués (cf. p. 61, n. 1). D’où il suit qu’une âme, à supposer qu’elle soit un accord, est spécifiquement ce qu’elle est, et ne peut l’être ni plus ni moins qu’une autre âme. C’est un second point dont on doit convenir (93 ab).

Celui-ci vient le premier en discussion. Personne ne contestera qu’il y ait des âmes vertueuses et d’autres, vicieuses. Expliquera-t-on cette différence en disant que dans une âme, qui est déjà accord, la vertu constitue un supplément d’accord et le vice, un défaut de supplément d’accord ? Mais l’une serait alors moins complètement accord que l’autre, de sorte qu’un accord pourrait être inférieur à ce qu’il est spécifiquement, au lieu d’être toujours égal à lui-même. Or ce n’est pas ce dont on est convenu : en s’y tenant, on devrait au contraire nier toute supériorité de vice ou de vertu dans les âmes ; bien plus, aucune âme d’aucun vivant absolument ne pourrait être mauvaise, car toute âme, étant pareillement âme, devrait être pareillement accord (93 b-94 b)[1].

On envisage ensuite la première proposition. Dans l’ensemble du composé humain, il est certain que l’autorité

  1. Plusieurs auteurs, et notamment Philopon dans son commentaire du De anima, attestent qu’Aristote avait utilisé cette argumentation dans un dialogue de sa jeunesse, Eudème ou De l’âme (tous les textes sont réunis dans le fr. 41 de Rose ; voir surtout 1482 b, 42-44, 1483 a, 5-18). Tandis que accord et désaccord, disait-il, sont deux contraires, l’âme n’a pas de contraire. D’autre part l’accord fait la santé, la force ou la beauté ; mais ce sont là des modalités de l’âme, non ce qui en constitue la nature.