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NOTICE

nouvelles déterminations sont donc empruntées aux choses auxquelles l’âme ressemble le plus ; on montre par analogie qu’elle doit avoir quelque chose d’immortel et de divin, d’indissoluble et d’immuable, d’unique en sa nature. Mais l’immortalité appartient aux Dieux (cf. 106 d) ; l’indissolubilité, l’immutabilité et l’unicité de nature sont des propriétés des Idées ; or notre âme individuelle n’est ni Dieu, ni Idée ; aucun de ces caractères de notre âme n’est donc rattaché à l’Âme en tant qu’âme. Ce qui manque encore par conséquent, c’est de connaître l’essence de notre âme, de rapporter celle-ci à l’Idée de l’âme, ainsi qu’on doit le faire de toute chose concrète, sensible ou non pour nous (cf. 79 b). Voilà donc la relation qu’il faut démontrer, s’il doit être définitivement établi que l’ascétisme du philosophe et sa sérénité en face de la mort ne sont pas une duperie.

Dans l’introduction de la troisième partie réapparaît, d’une façon remarquable, le thème apollinien du Prologue, mais élargi et exalté jusqu’au prophétisme. Chez Socrate le don divinatoire n’est pas inférieur à ce qu’il est chez les cygnes : si ceux-ci chantent surtout au moment de mourir, ce n’est pas par tristesse[1], comme le croient les hommes toujours obsédés par la crainte de la mort ; c’est qu’ils ont la prescience des biens que réservent les demeures d’Hadès. Serviteur du même maître, consacré au même Dieu[2], ayant reçu de lui une faculté prophétique qui ne le cède pas à la leur, Socrate n’a pas plus de raisons qu’eux de s’affliger de quitter la vie : c’est donc avec une entière liberté d’esprit qu’il est prêt à

  1. Ce n’est jamais la souffrance, dit Platon 85 a, qui, comme on le croit, fait chanter les oiseaux : ni l’hirondelle, ni le rossignol, ni la huppe. Allusion à une légende attique : Procnê et Philomèle étaient les deux filles de Pandion, roi d’Athènes ; la première avait épousé Têrée, roi de Thrace ; celui-ci, ayant violé sa belle-sœur, lui fit couper la langue pour l’empêcher de révéler le crime ; elle réussit cependant par un subterfuge à en instruire sa sœur, puis toutes deux, pour se venger, firent manger à Têrée le corps de son fils Itys ; poursuivies par la fureur du père, elles furent changées, Procnê en hirondelle, Philomèle en rossignol, et Têrée lui-même devint la huppe.
  2. Le cygne est l’oiseau d’Apollon. Socrate parle ici comme dans l’Apologie 23 c, du « service du Dieu » (τὴν τοῦ θεοῦ λατρείαν) ; mais ici il n’explique pas pourquoi Apollon est son maître.