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PHÉDON

auprès d’un Dieu sage et bon[1], la résidence qui lui convient, doive, comme le redoute Cébès, se dissiper et périr (80 a-e).

Cette troisième raison, qui semble en un sens prolonger seulement le plaidoyer de Socrate, marque d’autre part un progrès sur les deux raisons précédentes. La première, pour expliquer la compensation des trépas par des renaissances, établissait la subsistance nécessaire d’un principe de vie. La seconde le déterminait comme une pensée : sans quoi on ne comprendrait pas que des perceptions sensibles, toutes relatives, pussent nous rappeler des réalités intelligibles, toutes absolues, les Idées. La troisième montre enfin qu’entre ces Idées et l’âme, principe de vie et de pensée, il y a, non pas sans doute une identité de nature, mais une ressemblance et une parenté. Elle commence donc à définir la chose qu’est l’âme et à indiquer, quant à ses caractères tout au moins, pourquoi elle a des chances de ne point périr. Mais elle ne prouve pas encore que l’âme ait une existence sans fin.

2o  Il ne s’agit encore en effet que d’un encouragement, d’un effort pour rendre plausible la magnifique espérance du philosophe, pendant sa vie et en face de la mort. Ce qui le montre, c’est l’étroite relation de la troisième raison avec un mythe eschatologique, dont la donnée provient de la révélation religieuse et qui développe seulement, comme on le voit dès le début, des indications antérieures du plaidoyer (cf. 63 bc, 69 c). Une destinée perpétuellement bienheureuse attend les âmes des initiés, celles qui, s’étant purifiées par la mortification, ont réussi à n’être rien qu’âmes au moment de la mort ; une destinée misérable au contraire, celles qui, s’étant pendant la vie farcies en quelque sorte de corporéité, quittent le corps impures et souillées (cf. p. 41, n. 3). Ce sont ces âmes qui, lourdes de matière visible et terrestre et ayant horreur de l’Invisible, donnent lieu aux fantômes qu’on voit autour des tombes ; ce sont elles qui, dans leur impatience d’une nouvelle incarnation, s’individualisent dans l’espèce animale de laquelle les rapprochent leur genre de vie et leurs passions dominantes ; méritant même de revenir à la forme humaine quand elles ont pratiqué, et sans lui donner la pensée pour fondement, une vertu de routine (cf. 68 d sqq. ; cf. p. 43, n. 1). Seules ont droit à la forme divine et

  1. C’est-à-dire chez Hadès ; voir p. 40, n. 1.