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NOTICE

des hommes, nous n’avons plus que des perceptions sensibles confuses et changeantes. Nos âmes, par conséquent, existaient auparavant et à part de nos corps[1], possédant ce qu’il faut pour acquérir ce savoir : la pensée. Aucune autre hypothèse n’est possible. Il serait absurde notamment de supposer cette acquisition simultanée à notre naissance ; car, puisque nous ne naissons pas (cf. 75 d, 76 bc) avec la possession présente et effective de cet acquis, il faudrait que nous l’eussions perdu au moment même où nous l’acquérons (76 d-76 d).

Platon insiste ensuite avec force sur l’importance du résultat obtenu, et prépare ainsi la troisième raison. Une seule et même nécessité lie en effet indissolublement l’existence de nos âmes antérieurement à notre naissance et, d’autre part, l’existence d’essences telles que Beau, Bien, etc., auxquelles nous rapportons les données sensibles comme à des modèles et dans lesquelles nous reconnaissons quelque chose qui était déjà nôtre avant que nous fussions nés (76 d-77 a).

Cette liaison est incontestable ; mais que gagne-t-on, objectent Simmias et Cébès, à l’avoir accordée ? Ce qui désormais est croyable, c’est que l’âme préexiste ; mais il n’y a là par rapport à la question qu’une moitié de preuve, car on peut bien concevoir que, ayant péri à l’instant de la mort, l’âme a commencé ensuite, d’une manière ou d’une autre, une nouvelle existence avant que nous naissions. L’objection de Cébès (cf. 70 ab) subsiste donc : la survivance de l’âme reste à établir (77 a-c).

Mais ils ont eu tort de disjoindre arbitrairement les deux premières raisons ; car elles font corps l’une avec l’autre. On est convenu en effet (cf. 72 a, d) que tout ce qui a vie provient de ce qui est mort ; par suite il ne peut y avoir d’autre origine à cette manifestation d’une âme que l’acte de mourir et l’état d’être mort ; mais ce retour de l’âme au devenir, cette renaissance, ne se conçoivent que si, après la mort, cette âme a continué d’exister. La preuve est donc complète (77 cd).

III. Ainsi Cébès et Simmias devraient être satisfaits ; s’ils

  1. Rappel de ce qui a été dit plus haut sur l’affranchissement de l’âme à l’égard du corps en tant que condition de la pensée ; principalement 66 d-67 a, 69 bc.