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NOTICE


Deuxième partie,
69 e-84 b.

Pour la troisième fois, la clairvoyance critique de Cébès discerne la difficulté et oblige Socrate à approfondir sa pensée. L’éloquence du langage de Socrate n’empêche pas le principe d’en rester fort incertain : qui nous assure que l’âme, au moment où elle se sépare du corps, ne se dissipe pas comme un souffle ? Pour légitimer l’espérance du philosophe, il est donc nécessaire de sermonner (παραμυθία) celui qui n’est pas philosophe et de lui faire croire (πίστις) que, par elle-même, notre âme possède une activité propre et une pensée. Sur la question de savoir si les âmes des morts ont ou n’ont pas une existence aux Enfers, Cébès en effet demande seulement à être défendu contre une crainte qui ne lui permet pas de partager la croyance du philosophe ; de son côté, Socrate lui offre seulement de constituer sur l’objet de la recherche un ensemble de représentations vraisemblables (69 e-70 c).

I. Une première raison est, une fois de plus, fournie par la tradition religieuse : la vieille croyance au cycle des générations[1] implique que nos âmes existent aux Enfers et que, tout comme la vie engendre la mort, réciproquement des morts doivent naître les vivants. Si cette dernière croyance est contestée, on devra alors chercher un autre fondement à la croyance en la survie de nos âmes (70 cd).

Le principe impliqué par la tradition demande donc à être éprouvé par une généralisation inductive. Or on constate que, partout où existe une opposition de contraires, il y a devenir de l’un à l’autre : ainsi ce qui est plus grand naît de ce qui était auparavant plus petit. Et maintenant, comment s’opère ce devenir ? Entre les deux contraires, et de l’un à l’autre, il y a une double génération : ainsi dans l’exemple précédent s’accroître ou diminuer. Un autre exemple facilitera l’analyse du cas qui nous occupe : entre veille et sommeil, le couple de processus intermédiaires par lequel se fait le passage de l’un

  1. Voir p. 22, n. 4. Ce thème mystique a été exploité par les poètes (cf. la fin du fr. 839 d’Euripide, Chrysippe) et par les philosophes, notamment par Empédocle. Mais Héraclite disait déjà : « C’est une même chose que ce qui est vivant et ce qui est mort, ce qui est éveillé et ce qui est endormi, ce qui est jeune et ce qui est vieux ; car par le changement ceci est cela, et cela de nouveau par le changement est ceci. » (fr. 78 Diels, 88 Bywater).