Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome IV, 1 (éd. Robin).djvu/284

Cette page a été validée par deux contributeurs.
114 c
97
PHÉDON

plus belles encore que les précédentes[1] ; les décrire n’est pas bien facile, sans parler du temps qui n’y suffit pas présentement.


Utilité morale de ce mythe.

« Eh bien ! ces choses donc, Simmias, dont nous avons fait au long l’exposé, voilà en vue de quoi il faut tout faire pour participer en cette vie à une vertu constituée par la pensée : c’est que la récompense est belle et grande notre espérance ! Au demeurant, d s’acharner à prétendre qu’il en est de ces choses comme je l’ai exposé, voilà qui ne sied pas à un homme ayant son bon sens. Que cependant ce soit cela ou quelque chose d’approchant pour nos âmes et pour leurs résidences, puisqu’aussi bien l’immortalité appartient manifestement à l’âme, voilà à mon sens le risque qu’il sied de courir, celui qui en vaut la peine quand on croit à cette immortalité. Ce risque est beau en effet, et dans des croyances de cette sorte il y a comme une incantation qu’il faut se faire à soi-même. C’est, ma foi, pour cette raison que, depuis longtemps même, je m’attarde sur cette histoire. Eh bien ! dis-je, ayant égard à ces croyances, il doit être confiant sur le sort de son âme, l’homme qui, durant sa vie, a dit adieu aux plaisirs e qui ont le corps pour objet, à ses parures en particulier, car ce sont des choses étrangères et qui de plus, à son jugement, produisent bien plutôt l’effet opposé. Les plaisirs, au contraire, qui ont l’instruction pour objet ont eu tous ses soins, et, tout en parant ainsi son âme, non point d’une parure étrangère mais de celle qui est proprement la sienne, tempérance, justice, courage, liberté, 115 vérité, il attend ainsi de se mettre en route pour les demeures d’Hadès, prêt à en prendre le chemin quand l’appellera sa destinée[2]. Vous, bien sûr, ajouta-t-il, Simmias, Cébès, tous les autres, c’est plus tard, je ne sais quand, que vous en prendrez le chemin. Mais moi, voici que dès maintenant, comme dirait un héros tragique, ma destinée m’appelle ! Peu s’en faut même que l’heure ne soit venue pour moi de me diriger vers le bain[3] : il vaut mieux en effet,

  1. Donc, au-dessus de la terre, dans les astres ; cf. Timée 41 d.
  2. Résumé vigoureux du dialogue : cf. surtout 64 d-69 b, 82 e-84 b. Et aussi 82 c, 83 e ; 107 cd ; 63 c, 108 d ; 77 e sqq., 62 a, c.
  3. Le changement voulu du ton est saisissant.