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leur embouchure. Or ce qui est possible, c’est que, dans l’une et l’autre direction, e la descente se fasse jusqu’au centre, mais non pas au delà ; car la partie de la terre qui est de chacun des deux côtés du centre est pour chacun des deux flots l’origine d’une montée.

« À coup sûr il existe bien d’autres courants, aussi nombreux que grands et variés ; mais aussi, dans cette multitude, y a-t-il lieu d’en distinguer quatre[1]. Le plus grand, et celui dont le cours décrit le cercle le plus extérieur, c’est celui qu’on appelle Océan[2]. Lui faisant vis-à-vis et coulant en sens contraire, est l’Achéron ; en outre des régions désertes que traverse son cours, c’est surtout sous la terre qu’il coule[3], pour arriver au lac Achérousias ; 113 c’est là que se rendent les âmes de la grande masse des trépassés, lesquelles, après un séjour dont la durée leur fut impartie, plus longue pour les unes, plus courte pour les autres, sont de là dirigées à nouveau vers les générations animales[4]. Un troisième fleuve jaillit à mi-distance entre les deux premiers, et, près du point d’où il a jailli, il vient tomber dans un vaste espace brûlé d’un feu intense ; il y forme un lac plus grand que notre mer à nous, et tout bouillonnant d’eau et de boue ; son cours circulaire est, au sortir de ce lac, trouble et b boueux ; puis, ayant sous la terre décrit une spirale, il parvient, dans une direction différente, jusqu’aux extrémités du lac Achérousias mais sans se mêler à son eau, et pour finir, après des enroulements répétés, il se jette dans une partie plus basse du Tartare ; c’est à ce fleuve qu’on donne le nom de Pyriphlégéthon ; ses laves crachent même leurs éclats vers la surface de la terre

  1. Ces quatre fleuves appartiennent à la géographie homérique : seul, Océan n’y est pas un fleuve infernal, il entoure la terre ; Achéron reçoit Pyriphlégéthon et Cocyte, lequel est un bras du Styx qui, à son tour, selon Hésiode, est un bras d’Océan. Peut-être, en modifiant ces données, Platon a-t-il suivi la tradition orphique, alléguée à ce propos par Olympiodore (202, 12 sqq. ; 241, 10 N.).
  2. L’Océan est donc un fleuve qui, pour la plus grande partie de son cours, ne coule pas sous terre. La Méditerranée n’en est sans doute pas la seule mer, mais aussi bien tout autre bassin visible analogue (cf. 109 b).
  3. La première partie de son cours, la plus petite, est superficielle. Le lac Achérousias est sa mer ou son bassin de stagnation.
  4. Voir 113 d, 114 ab et, plus haut, 81 de.