Page:OC Flavius Josephe, trad. dir. Theodore Reinach, tome 4.djvu/170

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mouches couvrait ses plaies. Un passant plaignit son infortune et, le croyant incapable de s’aider lui-même, se mit en devoir de chasser les mouches. 175 Mais l’autre lui demanda de cesser d’agir ainsi. Le passant le questionna sur la raison qui lui faisait négliger d’échapper au mal qui avait fondu sur lui. « Tu me ferais, dit le blessé, un plus grave tort en chassant ces mouches ; car celles-ci, déjà pleines de mon sang, ne sont plus aussi acharnées à me tourmenter et se retiennent un peu. Mais si d’autres, avec des forces intactes et attirées par la faim, s’emparaient de mon corps déjà épuisé, elles le conduiraient au trépas ». 176 C’est donc pour ces raisons que Tibère lui-même, parce que les tributaires étaient accablés par de nombreuses malversations, avait soin de ne pas changer continuellement leurs gouverneurs qui, à la façon des mouches, les harcelaient, craignant qu’à leur nature déjà portée à la cupidité s’ajoutât encore la perspective d’être bientôt privés du profit qu’ils en tiraient. 177 Mon exposé sur les dispositions naturelles de Tibère est confirmé par ses actes mêmes ; en effet, dans ses vingt-deux ans de principat, il n’envoya au total aux Juifs que deux hommes pour gouverner leur peuple, Gratus et Pilate son successeur. 178 Et ce n’est pas seulement envers les Juifs qu’il se comportait ainsi ; il ne tenait pas une autre conduite à l’égard de ses autres sujets. Quant aux prisonniers, il laissait entendre que, s’il remettait à plus tard leur interrogatoire, c’était pour qu’une condamnation à mort ne vînt pas alléger leurs maux présents, puisque ce n’était pas leur vertu qui les avait mis en telle situation, et pour qu’une peine plus grande s’ajoutât ainsi à celle qu’ils éprouvaient.

179 6. Voilà pourquoi Eutychus n’obtenait pas d’audience et restait enchaîné. Avec le temps, Tibère, partant de Caprée, arrive à Tusculum à environ cent stades de Rome et Agrippa demande à Antonia d’obtenir que l’on écoute les accusations qu’Eutychus portait

    De Tiberio et paupere). Voir la fable du Renard, des Mouches et du Hérisson attribuée à Ésope (fable 314) par Aristote (Rhétorique, II, 1393, b. 23, 1394 a 2) et Plutarque (An seni gerenda sit respublica 12, 1-2) et imitée par La Fontaine (Fables, XII, 13).