Page:Myrand - Frontenac et ses amis, 1902.djvu/99

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
ET SES AMIS

Joseph Denis de la Ronde, rapportant à Québec la petite boîte de plomb où repose, au figuré, le cœur très agité du malheureux Frontenac, n’est qu’une absurde et ridicule anecdote, inconnue de tous les chroniqueurs français contemporains de Madame de Frontenac. Elle n’apparaît pas avant l’année 1870 dans les ouvrages canadiens-français et le premier d’entre eux qui en parle est le François de Bienville de M. Joseph Marmette, sur la foi de témoignages absolument nuls[1]. Chercher ailleurs, ou antérieurement à cette date, serait perdre son temps et sa peine. C’est de ce roman qu’elle est sortie pour courir le monde, notre petit monde littéraire du Canada français, la province de Québec. Son aile a pris de l’envergure ; en trente ans elle a fait du chemin, et son chemin. Bien que complaisamment et persévéramment ébruitée et colportée par nos écrivains canadiens-français qui, volontiers, se copient les uns les autres au lieu de se contrôler les uns par les autres, elle n’est pas encore parvenue à s’introduire à l’étranger. Parkman, aux États-Unis, Rochemonteix, Henri Lorin, en France, pour ne citer que trois des auteurs modernes les plus autorisés qui ont écrit sur notre histoire — et particulièrement sur Frontenac et les siens — lui ont impitoyablement refusé l’hospitalité dans leur ouvrages. Ils sont évidemment de l’opinion de Sainte-Beuve : « En France, un bon mot est souvent toute la preuve d’un fait. »

« Et au Canada, » ajouterai-je, car, sous ce rapport, notre province de Québec est véritablement une nouvelle France. Les légendes historiques y pullulent.

À la date du 4 avril 1902, l’honorable Louis-Onésime Loranger, l’un des juges puînés de la Cour Supérieure du district de Montréal, écrivait à M. Pierre-Georges Roy, le rédacteur-propriétaire du Bulletin des Recherches Historiques :

« Votre journal fait une bonne action en vengeant

  1. Je me flatte d’avoir réduit ces témoignages à leur plus simple expression de mensonge et de fausseté. — Lire, à l’Appendice, la réfutation de cette preuve.