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APPENDICE

vieille roche, dont les recherches ne desséchaient pas l’âme, mais qui, tout au contraire, se passionnait d’autant plus qu’il travaillait davantage.

M. Margry est mort à Paris à l’âge de soixante-seize ans, soutenu dans sa vie modeste et laborieuse par le dévouement d’une femme de cœur et d’esprit. Il laisse un nom qu’on n’oubliera pas, et des œuvres qui, si elles ne brillent pas par l’éclat littéraire qui fascine le public et ouvre les portes des Académies, se recommandent par ces qualités rares qui séduisent l’esprit des érudits.



Les colères de Frontenac.


Il ne faut pas se scandaliser plus que de raison des emportements de Frontenac. Au dix-septième siècle la colère semble être le trait caractéristique du tempérament de la noblesse française. Or Frontenac était de son temps, voilà tout. Battre une femme s’avouait publiquement. Malherbes, ce même Malherbes qui pleurait si tendrement sur la Rosette de Duperrier, Malherbes confessait sans rougir, à Madame de Rambouillet, avoir souffleté la vicomtesse d’Auchy. Rosser les domestiques était d’un courant usage. La brutalité vis-à-vis d’eux faisait partie des belles manières de l’époque. La tradition aristocratique exigeait que l’on châtiât les inférieurs pour une vétille. Richelieu battait ses gens et les officiers de sa garde. Madame de Vervins fouettait elle-même ses laquais et ses servantes. Rien de bien étonnant que Frontenac donnât du pied au derrière de ses valets ou de la canne sur leur dos.

La raison de toutes ces brutalités reposait dans la conviction profonde que la nature de l’homme du peuple, du vilain, n’était point celle de l’homme de qualité, du noble. « Comme le grand Corneille, son professeur d’orgueil et de volonté, écrit Arvède Barine, la duchesse de Montpensier croyait fermement qu’il existe une différence de nature entre l’homme de qualité et l’autre ; le premier ayant les vertus généreuses dans le sang, tandis que l’homme de petite naissance porte dans ses veines des inclinations plus basses. Au-dessus de ces deux variétés de