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FRONTENAC

vieux ! Eux qui tant et tant s’étaient raillé des autres, de leurs défauts, de leurs travers, de leurs manies ou de leurs tics, quelle tête ridicule ils faisaient à leur tour ![1]

Le chevalier de La Rivière à l’Oratoire ! Impossible qu’il y fût encore[2], cette farce étant trop bonne pour durer si longtemps. L’ardente ferveur de l’étrange cénobite le laissait froid, incrédule : elle ressemblait trop à ses propres accès de piété, à ses crises d’ascétisme intermittent, alors qu’il s’enfermait pendant des semaines dans le cloître de ses chers franciscains, à Notre-Dame-des-Anges. Tous en étaient édifiés ; même les Jésuites ! Mais au retour, la retraite terminée, la neuvaine finie, gare la mine ! Frontenac rentré chez lui n’était plus le Frontenac rentré en lui-même ; le vieil homme, à l’inverse du précepte, se dépouillait de l’homme nouveau, le faux anachorète jetait le froc avec la prestesse du loup, sa peau de mouton, quand il cessa d’être berger. Les coups d’autorité et les coups de canne, les querelles et les frasques recommençaient de plus belle[3]. Au point, que tous en étaient scandalisés. Les Récollets eux-mêmes admettaient que le converti valait encore moins que le pécheur, qu’il était devenu pire. Plus pire ! disaient les habitants.

  1. Mademoiselle de Montpensier n’avait pas attendu si tard pour se moquer de Frontenac. Le portrait qu’elle nous en a laissé dans ses Mémoires est celui d’un vantard, et d’un poseur. Elle raille impitoyablement ce chevalier qui n’avait pas le sou, et qui dessinait des parcs imaginaires dans sa propriété de l’île Savary, aux environs de Blois, parlait à tout propos de sa table, de sa vaisselle, de ses habits, de ses équipages et n’avait que des rosses à l’écurie, etc., etc.
  2. La Rivière y vécut cependant jusqu’en 1734, année qu’il décéda, à l’âge de 94 ans. Ses biographes nous rapportent que la vie qu’il mena à l’Oratoire de Paris fut des plus édifiantes et des plus exemplaires. — Cf : Feller, Dictionnaire Historique, pages 499 et 500, tome 17.
  3. « Ce méridional avait des accès de piété angélique ; il allait s’enfermer pendant des semaines dans le cloître des Récollets, sur les bords de la petite rivière Saint-Charles. Tout le monde était édifié de sa dévotion. Et, au retour de ces retraites