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, ce pays est demeuré sous la dépendance de l’empereur, & lui a même été entierement remis par le traité de paix de Carlowitz, fait l’an 1699. Le prince Abaffi vécut tranquillement à Vienne jusqu’à sa mort qui arriva le premier février 1713, après avoir vécu 36 ans. En lui s’est éteinte la famille des Abaffi, qui avoit été depuis long-temps une des plus florissantes de Transilvanie. Sa femme, Catherine Bethlen, mourut à Vienne le 4 janvier 1725. * Ces deux articles sont extraits du Supplément françois de Basle.

ABAGA, roi des Tartares, sur la fin du XIII siécle, attaqua les Perses, qu’il soumit, & se rendit redoutable par ses victoires sur les chrétiens établis dans la Terre-sainte. Il envoya des ambassadeurs au pape Grégoire X, qui les reçut à Lyon, où se tenoit le second concile général de cette ville en 1274. Nicolas III lui écrivit en lui envoyant cinq missionnaires. * Genebrard. Calvisius, in chron. Sabellic. &c.

ABAGARE, cherchez ABGARE.

ABAGES, ou ABASGIENS, peuples qui furent convertis à la foi sous le regne de l’empereur Justinien, dans le VI siécle. Cet empereur fit bâtir dans leur pays une église sous l’invocation de la sainte Vierge, & y envoya des prêtres zélés & instruits. Jusqu’alors c’étoit la coutume des Abasgiens, de faire eunuques la plupart de leurs enfans, & les eunuques qui servoient dans les palais des empereurs, étoient presque tous tirés d’entre eux ; mais Justinien leur defendit de plus outrager ainsi la nature. Procope, l. 4, de Bell. Goth. c. 3, place ces peuples, depuis les bords du pont Euxin, jusque vers le Caucase ; c’est à peu près le pays qu’on nomme présentement la Georgie. * Evagre. l. 4, c. 21. Voyez ci-après les articles ABASCHES, & ABCASSES : il y a beaucoup d’apparence que c’est le même peuple.

ABAHIUS, ABAHUIS, & ABANHI, cherchez NIL, fleuve.

ABAI-HOUSSAIN, fils de Beddr, frere d’Abbaz, mourut l’an 981 de l’hégire. Il est l’auteur d’un livre, qui concilie les contradictions de l’alcoran, & qui a pour titre, Asfar fil Klelas. * D’Herbelot, bibl. orient.

ABAILARD, (Pierre) fameux docteur, nommé aussi ABAYELART, ABEILLARD, ABULART, ABELLART, ALLEBART, ABELARD, ABAALARZ, & ABAULART, en latin Abaelardus, Abailardus, Bailardus Balardus, ausquels noms Thomasius joint encore Aballardus, Abelhardus, Adelhardus, Abbajalarius, Bajulardus, & Baliardus, lesquels il dit avoir trouvés en differens auteurs (Hist. Pap. & Stult. t. 1.) Abailard qui fut l’un des plus délicats & des plus subtiles esprits du XII siécle, naquit à Palais près de Nantes en Bretagne l’an 1079, comme il paroît par un ancien calendrier du Paraclet, écrit en françois, d’où Duchesne (pag. 1195 de ses notes sur la 1 lettre d’Abailard) a copié ce qui suit : maistre Pierre Abailard, fondateur de ce lieu, & instituteur de sainte religion, trépassa le 21 avril 1142, aagé de 63 ans. Son pere nommé Berenger, qui étoit d’une famille illustre, ainsi que Luce son epouse, n’avoit eu qu’une légere teinture des belles lettres dans sa jeunesse, cependant il les aimoit ; & il n’eut rien tant à cœur que d’y appliquer ses fils, avant de leur faire apprendre les exercices convenables à l’art militaire, auquel il les destinoit, Abailard, qui étoit l’aîné, & qui avoit une grande facilité pour les sciences, s’y livra autant que son pere pouvoit l’espérer : peut-être même plus qu’il n’eut souhaité ; car laissant à ses freres tous les avantages que son droit d’aînesse lui assuroit, il résolut de s’occuper uniquement de l’étude. La dialectique, qu’on croit communément qu’il avoit étudiée sous Roscelin, fut de toutes les sciences celle pour laquelle il se sentit plus d’attrait, & il embrassa avec chaleur l’opinion des nominaux. Il s’y livra tout entier. Les auteurs de l’Histoire littéraire de la France (Tome IX, p. 359.) prétendent que l’ardeur avec laquelle Abailard embrassa l’opinion des nominaux, est le seul motif qui a porté à dire qu’il avoit été disciple de Roscelin, lequel on a regardé aussi faussement comme le pere de cette secte ; & que s’il étoit vrai qu’Abailard eût jamais fréquenté l’école de Roscelin, il n’auroit pas manqué de le compter au nombre de ceux de qui il nous apprend lui-même qu’il prit des leçons.

Après avoir parcouru diverses provinces, s’arrêtant pour disputer partout où il rencontroit quelque école ; il vint à Paris, dans le dessein d’y prendre les leçons de Guillaume de Champeaux, archidiacre de l’église de cette ville, qui passoit pour le plus grand dialectitien de son temps. Comme il étoit prévenu en faveur de cet homme célébre, il chercha d’abord à s’en faire aimer par sa docilité, & y réussit ; mais dans la suite il combattit avec vivacité quelques-unes de ses opinions ; & l’avantage qu’il eut dans plusieurs disputes, lui attira l’aversion de son maître, & l’envie de ses condisciples. Abailard se sépara d’eux, pour aller ouvrir une école à Melun, où le roi Philippe I. tenoit alors sa cour ; & il s’y acquit en peu de temps une réputation qui fit beaucoup diminuer celle de Guillaume. Il s’établit ensuite à Corbeil, afin d’être plus à portée d’en venir souvent aux prises avec son antagoniste. Le dérangement de sa santé l’ayant obligé à passer quelques années en Bretagne, il revint à Paris plein d’une nouvelle ardeur pour la dispute. Et une fois ayant attaqué le sentiment de Guillaume sur les universaux, il le fit avec tant de subtilité, qu’il l’obligea à le réformer, ou plutôt à l’abandonner. Ce nouvel échec décrédita absolument Guillaume, ensorte que la plupart de ses disciples le quitterent pour suivre Abailard, dont la réputation s’accrut à un tel point, que le successeur de Guillaume dans l’école de Paris lui offrit sa chaire, & ne rougit pas de se mettre au nombre de ses disciples. Le sentiment de Guillaume se trouve détaillé dans la premiere lettre d’Abailard. (p. 5. edit. de 1616.) Bayle l’a copié dans son dictionnaire, & en a fait une remarque à l’article d’Abailard.

Lorsque Guillaume fut nommé évêque de Châlons, Abailard abandonna la dialectique, pour étudier la théologie ; ce qu’il n’avoit pas voulu faire jusqu’alors, de crainte qu’on ne lui reprochât d’avoir quitté en présence de l’ennemi. Dans cette vûe, il alla écouter Anselme de Laon, qu’on regardoit comme le plus habile théologien qu’il y eût alors. Mais ayant connu en quoi consistoit la prétendue science de ce vieillard, il se dégouta bientôt de prendre ses leçons ; & piqué par le défi que lui firent quelques-uns de ses condisciples, de mieux enseigner que ne faisoit Anselme, comme il s’en étoit hautement vanté, il ouvrit lui-même une école de théologie, où il commença à expliquer le prophéte Ezéchiel, avec un grand concours d’auditeurs. Mais contraint de céder aux vexations qu’exciterent contre lui l’envie d’Anselme, & l’animosité de quelques zélés disciples de ce docteur, Abailard se rendit à Paris, & y acquit tant de gloire, que ses ennemis furent réduits au silence. Abailard étoit alors chanoine de la cathédrale de Sens, selon Duchesne, qui, page 1150 de ses notes, rapporte l’extrait d’une chronique manuscrite des archevêques de Sens où cela se voit clairement. Dom Gervaise, t. 1, p. 24., & 66 de la vie d’Abailard, prétend qu’il fut chanoine de Paris. Son application à l’étude ne le défendit pas d’une passion qui fut en partie la source de ses malheurs, Il devint amoureux d’Héloïse, niéce de Fulbert, chanoine de Paris. Cette jeune fille avoit beaucoup de gout & de disposition pour les sciences, & son oncle, qui l’aimoit tendrement, entretenoit la passion qu’elle avoit de devenir savante. Abailard trouvant dans ces dispositions de l’oncle & de la niéce, un