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DES POISSONS
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l’hiver ; mais on prend maintenant de ce poisson en grandes quantités, durant tout l’hiver, sur les côtes de Terre-Neuve, du Labrador, et le long des rives du golfe Saint-Laurent.


DURÉE DE LA VIE CHEZ LES POISSONS


La plupart des poissons ont la vie très longue : malheureusement la science n’a pas beaucoup de données authentiques sur ce sujet : il ne faut pas oublier les carpes de Fontainebleau, qui datent du temps de François Ier (1515), vingt ans avant la découverte du Canada. C’est bien le lieu de dire qu’elles sont vieilles comme les pierres. Ces carpes sont devenues énormes, couvertes de mousse et presque blanches ; mais avouons qu’on blanchirait à moins. Elles sont excessivement familières, et viennent prendre leur nourriture dans la main des enfants, parmi lesquels elles ont toujours des favoris. Les carpes de Chantilly et de Pontchartrain sont contemporaines du grand Condé ; celles qui habitent le jardin royal de Charlottenburg, près de Berlin, ont plus de deux cents ans. Il est constant que les individus dont parlent certains ichtyologistes et qui avaient 1.50 mètre de long et un poids que l’on n’ose pas mentionner, n’étaient pas d’une jeunesse beaucoup plus tendre. Le brochet de Frédéric Barberousse, pêché dans le lac Kaiserlautern, voisin de Manheim, avait environ 300 ans. Nous en reparlerons plus tard, à l’article brochet. [1]

Bary de Saint-Victor cite de grêles poissons rouges qui ont vécu, sans grossir, onze ans dans un même bocal, et qui, sortis de là, doublaient de taille en moins d’un an. L’esturgeon, pour atteindre sa taille maxima de 6 à 7 mètres, en se nourrissant de vers et de mollusques mous qu’il fouille dans les vases, doit employer un certain nombre de printemps. Des anguilles qui ont été vues ayant la grosseur d’un congre de près de 50 livres, avaient mis certainement plusieurs siècles à en arriver là.

Il faut probablement attribuer cette longévité au peu de force que les poissons doivent dépenser pour se mouvoir, dans un liquide de densité presque égale à celle de leur corps : au peu d’énergie de leurs sensations, à leur sang froid, à la température du milieu où ils vivent, dont les variations ne sont pas brusques comme celles de l’air ; enfin, à l’indépendance assez grande de leurs organes, qui fait que l’un d’eux peut être attaqué gravement, sans que les autres en souffrent. Ce dernier motif rend compte du peu de danger de la castration que l’on fait subir à ces animaux, lorsqu’on veut les engraisser dans des réservoirs.

  1. Longévité des Carpes exagérée — Voir rectification à page 510