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HISTOIRE DE FRANCE

l’astronome Lalande, et Bichat, le grand anatomiste[1].

Leur vie morale et leur poésie, à ces hommes de la frontière, du reste raisonneurs et intéressés[2], c’est la guerre. Qu’on parle de passer les Alpes ou le Rhin, vous verrez que les Bayard ne manqueront pas au Dauphiné, ni les Ney, les Fabert, à la Lorraine. Il y a là, sur la frontière, des villes héroïques où c’est de père en fils un invariable usage de se faire tuer pour le pays[3]. Et les femmes s’en mêlent souvent comme les hommes[4]. Elles ont dans toute cette zone du Dauphiné aux Ardennes un courage, une grâce d’amazones, que vous chercheriez en vain partout ailleurs. Froides, sérieuses et soignées dans leur mise, respectables aux étrangers et à leurs familles, elles vivent au milieu des soldats, et leur imposent. Elles-mêmes, veuves, filles de soldats, elles savent ce que c’est que la guerre, ce que c’est que souffrir et mourir ; mais elles n’y envoient pas moins les leurs, fortes et résignées ; au besoin elles iraient elles-mêmes. Ce n’est pas seulement la Lorraine qui sauva la France par la main d’une femme : en Dauphiné, Margot de Lay défendit Montélimart, et Philis La Tour-du-Pin La Charce ferma la

  1. Même esprit critique en Franche-Comté ; ainsi Guillaume de Saint-Amour, l’adversaire du mysticisme des ordres mendiants, le grammairien d’Olivet, etc. Si nous voulions citer quelques-uns des plus distingués de nos contemporains, nous pourrions nommer Charles Nodier, Jouffroy et Droz. Cuvier était de Montbéliard ; mais le caractère de son génie fut modifié par une éducation allemande.
  2. App. 27.
  3. La petite ville de Sarrelouis, qui compte à peine cinq mille habitants, a fourni en vingt années cinq ou six cents officiers et militaires décorés, presque tous morts au champ de bataille.
  4. On conserve, au Musée d’artillerie, la riche et galante armure des princesses de la maison de Bouillon.