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TABLEAU DE LA FRANCE

et de servitude religieuse, plus fanatique que dévot, le Languedoc a toujours nourri un vigoureux esprit d’opposition. Les catholiques même y ont eu leur protestantisme sous la forme janséniste. Aujourd’hui encore, à Alet, on gratte le tombeau de Pavillon, pour en boire la cendre qui guérit la fièvre. Les Pyrénées ont toujours fourni des hérétiques, depuis Vigilance et Félix d’Urgel. Le plus obstiné des sceptiques, celui qui a cru le plus au doute, Bayle, est de Carlat. De Limoux, les Chénier[1], les frères rivaux, non pourtant, comme on l’a dit, jusqu’au fratricide ; de Carcassonne, Fabre d’Églantine. Au moins l’on ne refusera pas à cette population la vivacité et l’énergie. Energie meurtrière, violence tragique. Le Languedoc, placé au coude du Midi, dont il semble l’articulation et le nœud, a été souvent froissé dans la lutte des races et des religions. Je parlerai ailleurs de l’effroyable catastrophe du treizième siècle. Aujourd’hui encore, entre Nîmes et la montagne de Nîmes, il y a une haine traditionnelle qui, il est vrai, tient de moins en moins à la religion : ce sont les Guelfes et les Gibelins. Ces Cévennes sont si pauvres et si rudes ; il n’est pas étonnant qu’au point de contact avec la riche contrée de la plaine, il y ait un choc plein de violence et de rage envieuse. L’histoire de Nîmes n’est qu’un combat de taureaux.

Le fort et dur génie du Languedoc n’a pas été assez distingué de la légèreté spirituelle de la Guyenne et

  1. App. 21.