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ÉCLAIRCISSEMENTS

Le miracle, c’est que cette végétation passionnée de l’esprit, qui semblait devoir lancer au hasard le caprice de ses jets luxurieux, elle se développa dans une loi régulière. Elle dompta son exubérante fécondité au nombre, au rythme d’une géométrie savante. La géométrie et l’art, le vrai et le beau se rencontrèrent. C’est ainsi qu’on a calculé dans les derniers temps que la courbe la plus propre à faire une voûte solide était justement celle que Michel-Ange avait choisie comme la plus belle, pour le dôme de Saint-Pierre.

Cette géométrie de la beauté éclate dans le type de l’architecture gothique, dans la cathédrale de Cologne[1] ; c’est un corps régulier qui a crû dans la proportion qui lui était propre, avec la régularité des cristaux. La croix de l’église normale est strictement déduite de la figure par laquelle Euclide construit le triangle équilatéral[2]. Ce triangle, principe de l’ogive normale, peut s’inscrire à l’arc des voûtes ; il tient ainsi l’ogive également éloignée et de la disgracieuse maigreur des fenêtres aiguës du Nord, et du lourd aplatissement des arcades byzantines. Le nombre dix et le nombre douze, avec leurs subdiviseurs et leurs multiples, dominent tout l’édifice. Dix est le nombre humain, celui des doigts ; douze le nombre divin, le nombre astronomique ; ajoutez-y sept, en l’honneur des sept planètes. Dans les tours[3] et dans tout l’édifice, les parties inférieures dérivent du carré et se subdivisent en octogone ; les supérieures, dominées par le triangle, s’exfolient en hexagone, en dodécagone[4]. La colonne a dans le rapport de son diamètre à la hauteur les proportions de l’ordre dorique[5]. La hauteur égale à la largeur de l’arcade, conformément au principe de Vitruve et de Pline. Ainsi dans ce type de l’architecture gothique subsistent les traditions de l’antiquité.

L’arcade jetée d’un pilier à l’antre est large de cinquante

  1. App. 143.
  2. Nous empruntons cette observation, et généralement tous les détails qui suivent, à la description de la cathédrale de Cologne, par Boisserée (franç. et allem.), 1823.
  3. Les églises métropolitaines avaient des tours ; les églises inférieures, seulement des clochers. Ainsi la hiérarchie se conservait jusque dans la forme extérieure de l’église.
  4. De plus, le chœur est terminé par cinq côtés d’un dodécagone, et chaque chapelle par trois côtés d’un octogone.
  5. Ce rapport est celui de 1 à 6, et de 1 à 7.