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LOUIS IX

coûtait moins, sans doute, d’exprimer une opposition si solennelle à l’autorité ecclésiastique. Les revers de la croisade, les scandales dont le siècle abondait, les doutes qui s’élevaient de toutes parts, l’enfonçaient d’autant plus dans la vie intérieure. Cette âme tendre et pieuse, blessée au dehors dans tous ses amours[1] se retirait au dedans et cherchait en soi. La lecture et la contemplation devinrent toute sa vie. Il se mit à lire l’Écriture et les Pères, surtout saint Augustin. Il fit copier des manuscrits[2], se forma une bibliothèque : c’est de ce faible commencement que la Bibliothèque Royale devait sortir. Il se faisait faire des lectures pieuses pendant le repas, et le soir au moment de s’endormir. Il ne pouvait rassasier son cœur d’oraisons et de prières. Il restait souvent si longtemps prosterné, qu’en se relevant, dit l’historien, il était saisi de vertige et disait tout bas aux chambellans : « Où suis-je ? » Il craignait d’être entendu de ses chevaliers[3].

Mais la prière ne pouvait suffire au besoin de son cœur. « Li beneoiz rois désirroit merveilleusement grâce de lermes, et se compleignoit à son confesseur de ce que lermes li défailloient, et li disoit débonnèrement, humblement et privéement, que quant l’en disoit en la létanie ces moz : Biau sire Diex, nous te

  1. App. 137.
  2. « Il aimoit mieux faire copier les manuscrits que de se les faire donner par les couvents, afin de multiplier les livres. » (Gaufred. de Bello loco.) — Les manuscrits palimpsestes (c’est-à-dire grattés et regrattés par les moines copistes) furent comme une Saint-Barthélemy des chefs-d’œuvre de l’antiquité. Voir Renaiss., Introd.
  3. Le Confesseur.