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LOUIS IX

donna le vicariat de l’Empire, et l’on vit par toute l’Italie mendier leur pain des hommes, des femmes, mutilés, qui racontaient les vengeances du vicaire impérial.

Frédéric mourut à la peine[1], et le pape en poussa des cris de joie. Son fils Conrad n’apparut dans l’Italie que pour mourir aussi[2]. Alors l’Empire échappa à cette maison ; le frère du roi d’Angleterre et le roi de Castille se crurent tous deux empereurs. Le fils de Conrad, le petit Corradino, n’était pas en âge de disputer rien à personne : mais le royaume de Naples resta au bâtard Manfred, au vrai fils de Frédéric II, brillant, spirituel, débauché, impie comme son père, homme à part, que personne n’aima ni ne haït à demi. Il se faisait gloire d’être bâtard, comme tant de héros et de dieux païens[3]. Tout son appui était dans les Sarrasins, qui lui gardaient les places et les trésors de son père. Il ne se fiait guère qu’à eux ; il en avait appelé neuf mille encore de Sicile, et dans sa dernière bataille c’est à leur tête qu’il chargeait l’ennemi[4].

On prétend que Charles d’Anjou dut sa victoire à l’ordre déloyal qu’il donna aux siens, de frapper aux chevaux. C’était agir contre toute chevalerie. Au reste, ce moyen était peu nécessaire ; la gendarmerie fran-

  1. App. 132.
  2. Au printemps de l’an 1254. Il n’avait que vingt-six ans.
  3. App. 133.
  4. Dans sa fuite, en 1254, il ne trouva de refuge qu’à Luceria. Les Sarrasins l’y accueillirent avec des transports de joie. Avant la bataille, Manfred envoya des ambassadeurs pour négocier. Charles répondit : « Va dire au sultan de Nocéra que je ne veux que bataille, et qu’aujourd’hui même je le mettrai en enfer, ou il me mettra en paradis. »