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LOUIS IX

Le prince dans les mains duquel tombait ce grand héritage, Louis IX, avait vingt et un ans en 1236. Il fut déclaré majeur, mais dans la réalité, il resta longtemps encore dépendant de sa mère, la fière Espagnole qui gouvernait depuis dix ans. Les qualités de Louis n’étaient pas de celles qui éclatent de bonne heure : la principale fut un sentiment exquis, un amour inquiet du devoir, et pendant longtemps le devoir lui apparut comme la volonté de sa mère. Espagnol du côté de Blanche[1], Flamand par son aïeule Isabelle, le jeune prince suça avec le lait une piété ardente, qui semble avoir été étrangère à la plupart de ses prédécesseurs, et que ses successeurs n’ont guère connue davantage.

Cet homme qui apportait au monde un tel besoin de croire, se trouva précisément au milieu de la grande crise, lorsque toutes les croyances étaient ébranlées. Ces belles images d’ordre, que le moyen âge avait rêvées, le Saint-Pontificat et le Saint-Empire, qu’étaient-elles devenues ? La guerre de l’empire et du sacerdoce avait atteint le dernier degré de violence, et les deux partis inspiraient presque une égale horreur.

D’un côté, c’était l’empereur, au milieu de son cortège de légistes bolonais et de docteurs arabes, penseur hardi, charmant poète et mauvais croyant. Il avait des gardes sarrasines, une université sarrasine, des concubines arabes. Le sultan d’Égypte était son meilleur ami[2]. Il avait, disait-on, écrit ce livre horrible

  1. App. 124.
  2. App. 125.