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HISTOIRE DE FRANCE

décidé, son danger augmenta[1]. Cette terreur, cette vie sans Dieu, où les prêtres officiaient sous peine de mort, on sentait qu’elle ne pouvait durer. Quand plus tard Henri VIII sépara l’Angleterre du pape, c’est qu’il se fit pape lui-même. La chose n’était pas faisable au treizième siècle ; Jean n’essaya pas. En 1212, Innocent III, rassuré du côté du Midi, prêche la croisade contre Jean, et chargea le roi de France d’exécuter la sentence apostolique. Une flotte, une armée immense, furent assemblées par Philippe. De son côté, Jean réunit, dit-on, à Douvres, jusqu’à soixante mille hommes. Mais dans cette multitude, il n’y avait guère de gens sur qui il pût compter. Le légat du pape, qui avait passé le détroit, lui fit comprendre son péril ; la cour de Rome voulait abaisser Jean, mais non pas donner l’Angleterre au roi de France. Il se soumit et fit hommage au pape, s’engageant de lui payer un tribut de mille marcs sterling d’or[2]. La cérémonie de l’hommage féodal n’avait rien de honteux. Les rois étaient souvent vassaux de seigneurs peu puissants, pour quelques terres

  1. Le roi d’Angleterre était l’ennemi personnel des Montfort ; le grand-père de Simon, comte de Leicester, avait osé mettre la main sur Henri II. Le frère utérin de Simon, l’un des plus vaillants chevaliers qui combattirent à la bataille de Muret, était ce Guillaume des Barres, homme d’une force prodigieuse, qui, en Sicile, lutta devant les deux armées contre Richard Cœur-de-Lion, et lui donna l’humiliation d’avoir trouvé son égal. — Le second fils de Simon de Montfort doit, comme nous l’avons dit, poursuivre, au nom des communes anglaises, la lutte de sa famille contre les fils de Jean. Celui-ci n’osa pas envoyer des troupes à Raymond, son beau-frère, mais il témoigna la plus grande colère à ceux de ses barons qui se joignaient à Montfort ; lorsqu’il vint en Guyenne, ils quittèrent tous l’armée des croisés. Des seigneurs de la cour de Jean défendirent, contre Montfort, Castelnaudary et Marmande.
  2. App. 116.