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GUERRE DES ALBIGEOIS

du Nord celle du Midi. La dernière se présenta à l’autre sous l’aspect le plus choquant : esprit mercantile plus que chevaleresque, dédaigneuse opulence[1], élégance et légèreté moqueuse, danses et costumes moresques, figures sarrasines. Les aliments mêmes étaient un sujet d’éloignement entre les deux races : les mangeurs d’ail, d’huile et de figues rappelaient aux croisés l’impureté du sang moresque et juif, et le Languedoc leur semblait une autre Judée.

L’Église du treizième siècle se fit une arme de ces antipathies de races pour retenir le Midi qui lui échappait. Elle transféra la croisade des infidèles aux hérétiques. Les prédicateurs furent les mêmes, les bénédictins de Cîteaux.

Plusieurs réformes avaient eu lieu déjà dans l’institut de saint Benoît ; mais cet ordre était tout un peuple ; au onzième siècle, se forma un ordre dans l’ordre, une première congrégation, la congrégation bénédictine de Cluny. Le résultat fut immense : il en sortit Grégoire VII. Ces réformateurs eurent pourtant bientôt besoin d’une réforme[2]. Il s’en fit une en 1098, à l’époque même de la première croisade. Cîteaux s’éleva à côté de Cluny, toujours dans la riche et vineuse Bourgogne, le pays des grands prédicateurs, de Bossuet et de saint Bernard. Ceux-ci s’imposèrent le travail, selon règle primitive de saint Benoît, changèrent seulement l’habit noir en habit blanc, déclarèrent qu’ils s’occuperaient uniquement de leur salut, et seraient

  1. App. 111.
  2. App. 112.