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TABLEAU DE LA FRANCE

fut fondé par Louis XIV à deux pas de La Rochelle, le port du roi à côté du port du peuple.

Il y avait pourtant une partie du Poitou qui n’avait guère paru dans l’histoire, que l’on connaissait peu et qui s’ignorait elle-même. Elle s’est révélée par la guerre de la Vendée. Le bassin de la Sèvre nantaise, les sombres collines qui l’environnent, tout le Bocage vendéen, telle fut la principale et première scène de cette guerre terrible qui embrasa tout l’Ouest. Cette Vendée qui a quatorze rivières, et pas une navigable[1], pays perdu dans ses haies et ses bois, n’était, quoi qu’on ait dit, ni plus religieuse, ni plus royaliste que bien d’autres provinces frontières, mais elle tenait à ses habitudes. L’ancienne monarchie, dans son imparfaite centralisation, les avait peu troublées ; la Révolution voulut les lui arracher et l’amener d’un coup à l’unité nationale ; brusque et violente, portant partout une lumière subite, elle effaroucha ces fils de la nuit. Ces paysans se trouvèrent des héros. On sait que le voiturier Cathelineau pétrissait son pain quand il entendit la proclamation républicaine ; il essuya tout simplement ses bras et prit son fusil[2]. Chacun en fit autant et l’on marcha droit aux bleus. Et ce ne fut pas homme à homme, dans les bois, dans les ténèbres, comme les chouans de Bretagne, mais en masse, en corps de

  1. App. 12.
  2. Il résulte de l’interrogatoire de d’Elbée que la véritable cause de l’insurrection vendéenne fut la levée de 300.000 hommes décrétée par la République. Les Vendéens haïssent le service militaire, qui les éloigne de chez eux. Lorsqu’il a fallu fournir un contingent pour la garde de Louis XVIII, il ne s’est pas trouvé un seul volontaire.