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HISTOIRE DE FRANCE

La Rochelle comme Saint-Malo, fut originairement un asile ouvert par l’Église aux juifs, aux serfs, aux coliberts du Poitou. Le pape protégea l’une comme l’autre[1] contre les seigneurs. Elles grandirent affranchies de dîme et de tribut. Une foule d’aventuriers, sortis de cette populace sans nom, exploitèrent les mers comme marchands, comme pirates ; d’autres exploitèrent la cour et mirent au service des rois leur génie démocratique, leur haine des grands. Sans remonter jusqu’au serf Leudaste, de l’île de Rhé, dont Grégoire de Tours nous a conservé la curieuse histoire, nous citerons le fameux cardinal de Sion, qui arma les Suisses pour Jules II, les chanceliers Olivier sous Charles IX, Balue et Doriole sous Louis XI ; ce prince aimait à se servir de ces intrigants, sauf à les loger ensuite dans une cage de fer.

La Rochelle crut un instant devenir une Amsterdam, dont Coligny eût été le Guillaume d’Orange. On sait les deux fameux sièges contre Charles IX et Richelieu, tant d’efforts héroïques, tant d’obstination, et ce poignard que le maire avait déposé sur la table de l’Hôtel de Ville, pour celui qui parlerait de se rendre. Il fallut bien qu’ils cédassent pourtant, quand l’Angleterre, trahissant la cause protestante et son propre intérêt, laissa Richelieu fermer leur port ; on distingue encore à la marée basse les restes de l’immense digue. Isolée de la mer, la ville amphibie ne fit plus que languir. Pour mieux la museler, Rochefort

  1. App. 11.