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TABLEAU DE LA FRANCE

mulets et des vipères[1], que ce mythe étrange a dû naître.

Ce génie mixte et contradictoire a empêché le Poitou de rien achever ; il a tout commencé. Et d’abord la vieille ville romaine de Poitiers, aujourd’hui si solitaire, fut, avec Arles et Lyon, la première école chrétienne des Gaules. Saint Hilaire a partagé les combats d’Athanase pour la divinité de Jésus-Christ. Poitiers fut pour nous, sous quelques rapports, le berceau de la monarchie, aussi bien que du christianisme. C’est de sa cathédrale que brilla pendant la nuit la colonne de feu qui guida Clovis contre les Goths. Le roi de France était abbé de Saint-Hilaire de Poitiers, comme de Saint-Martin de Tours. Toutefois cette dernière église, moins lettrée, mais mieux située, plus populaire, plus féconde en miracles, prévalut sur sa sœur aînée. La dernière lueur de la poésie latine avait brillé à Poitiers avec Fortunat ; l’aurore de la littérature moderne y parut au douzième siècle ; Guillaume VII est le premier troubadour. Ce Guillaume, excommunié pour avoir enlevé la vicomtesse de Châtellerault, conduisit, dit-on, cent mille hommes à la terre sainte[2], mais il emmena aussi la foule de ses maîtresses[3]. C’est de lui qu’un vieil auteur dit : « Il fut bon troubadour, bon chevalier d’armes, et courut longtemps le monde pour tromper les dames. » Le

  1. App. 9.
  2. Il arriva avec six hommes devant Antioche.
  3. L’évêque d’Angoulême lui disait : « Corrigez-vous » ; le comte lui répondit : « Quand tu te peigneras. » L’évêque était chauve.