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INNOCENT III

de droit romain, au milieu des vieux municipes de l’Empire, il n’y avait pas précisément de nobles, ou plutôt tous l’étaient ; les habitants des villes, s’entend. Les villes constituaient une sorte de noblesse à l’égard des campagnes. Le bourgeois avait, tout comme le chevalier, sa maison fortifiée et couronnée de tours. Il paraissait dans les tournois, et souvent désarçonnait le noble, qui n’en faisait que rire[1].

Si l’on veut connaître ces nobles, qu’on lise ce qui reste de Bertrand de Born, cet ennemi juré de la paix, ce Gascon qui passa sa vie à souffler la guerre et à la chanter. Bertrand donne au fils d’Éléonore de Guyenne, au bouillant Richard, un sobriquet : Oui et non[2]. Mais ce nom lui va fort bien à lui-même et à tous ces mobiles esprits du Midi.

Gracieuse, mais légère, trop légère littérature, qui n’a pas connu d’autre idéal que l’amour, l’amour de la femme. L’esprit scolastique et légiste envahit dès leur naissance les fameuses cours d’Amour. Les formes juridiques y étaient rigoureusement observées dans la discussion des questions légères de la galanterie[3]. Pour être pédantesques, les décisions n’en étaient pas moins immorales. La belle comtesse de Narbonne, Ermengarde (1143-1197), l’amour des poètes et des rois, décide dans un arrêt conservé religieusement que l’époux divorcé peut fort bien redevenir l’amant de sa femme mariée à un autre. Éléonore de Guyenne prononce que le véritable amour ne peut exister entre

  1. App. 104.
  2. Oc et non.
  3. App. 105.