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TABLEAU DE LA FRANCE

Sorel. Chenonceaux, Chambord, Montbazon, Langeais, Loches, tous les favoris et favorites de nos rois ont leurs châteaux le long de la rivière. C’est le pays du rire et du rien faire. Vive verdure en août comme en mai, des fruits, des arbres. Si vous regardez du bord, l’autre rive semble suspendue en l’air, tant l’eau réfléchit fidèlement le ciel : le sable au bas, puis le saule qui vient boire dans le fleuve ; derrière, le peuplier, le tremble, le noyer et les îles fuyant parmi les îles ; en montant, des têtes rondes d’arbres qui s’en vont moutonnant doucement les uns sur les autres. Molle et sensuelle contrée ! c’est bien ici que l’idée dut venir de faire la femme reine des monastères, et de vivre sous elle dans une voluptueuse obéissance, mêlée d’amour et de sainteté. Aussi jamais abbaye n’eut la splendeur de Fontevrault[1]. Il en reste aujourd’hui cinq églises. Plus d’un roi voulut y être enterré : même le farouche Richard Cœur-de-Lion leur légua son cœur ; il croyait que ce cœur meurtrier et parricide finirait par reposer peut-être dans une douce main de femme, et sous la prière des vierges.

Pour trouver sur cette Loire quelque chose de moins mou et de plus sévère, il faut remonter au coude par lequel elle s’approche de la Seine, jusqu’à la sérieuse Orléans, ville de légistes au moyen âge, puis calviniste, puis janséniste, aujourd’hui industrielle. Mais je parlerai plus tard du centre de la France ; il me tarde de pousser au midi ; j’ai parlé des Celtes de

  1. App. 8.