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HISTOIRE DE FRANCE

que Charlemagne avait, disait-on, frayée autrefois[1], de marcher sans se lasser vers le soleil levant, de recueillir la dépouille toute prête, de ramasser la bonne manne de Dieu. Plus de misère ni de servage ; la délivrance était arrivée. Il y en avait assez dans l’Orient pour les faire tous riches. D’armes, de vivres, de vaisseaux, il n’en était besoin ; c’eût été tenter Dieu. Ils déclarèrent qu’ils auraient pour guides les plus simples des créatures, une oie et une chèvre[2]. Pieuse et touchante confiance de l’humanité enfant !

Un Picard, qu’on nommait trivialement Coucou Piètre (Pierre Capuchon, ou Pierre-l’Ermite, à Cucullo), contribua, dit-on, puissamment par son éloquence à ce grand mouvement du peuple[3]. Au retour d’un pèlerinage à Jérusalem, il décida le pape français Urbain II à prêcher la croisade à Plaisance, puis à Clermont (1095). La prédication fut à peu près inutile en Italie ; en France tout le monde s’arma. Il y eut au concile de Clermont quatre cents évêques ou abbés mitrés. Ce fut le triomphe de l’Église et du peuple. Les deux plus grands noms de la terre, l’empereur et le roi de France, y furent condamnés, aussi bien que les Turcs, et la querelle des investitures mêlée à celle de Jérusalem. Chacun mit la croix rouge à son épaule ; les

  1. Des prophètes annonçaient que Charlemagne viendrait lui-même commander la croisade.
  2. C’est ainsi que les Sabins descendirent de leurs montagnes sous la conduite d’un loup, d’un pic et d’un bœuf ; qu’une vache mena Cadmus en Béotie, etc.
  3. App. 65.