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ONZIÈME SIÈCLE

rogea le siècle, et le somma de lui rendre la primatie qui lui était due. L’adultère et la simonie du roi de France[1], l’isolement schismatique de l’Église d’Angleterre, la monarchie féodale elle-même personnifiée dans l’empereur, furent appelés à rendre compte. Cette terre, que l’empereur ose inféoder aux évêques, de qui la tient-il, si ce n’est de Dieu ? De quel droit la matière entend-elle dominer l’esprit ? La vertu a dompté la nature ; il faut que l’idéal commande au réel, l’intelligence à la force, l’élection à l’hérédité. « Dieu a mis au ciel deux grands luminaires, le soleil, et la lune qui emprunte sa lumière au soleil ; sur la terre, il y a le pape, et l’empereur qui est le reflet du pape[2] ; simple reflet, ombre pâle, qu’il reconnaisse ce qu’il est. Alors, le monde revenant à l’ordre véritable, Dieu régnera, et le vicaire de Dieu : il y aura hiérarchie selon l’esprit et la sainteté. L’élection élèvera le plus digne. Le pape mènera le monde chrétien à Jérusalem, et sur le tombeau délivré du Christ son vicaire recevra le serment de l’empereur, et l’hommage des rois. »

Ainsi se détermina dans l’Église, sous la forme du pontificat et de l’empire, la lutte de la loi et de la nature. L’empereur, c’était le fougueux Henri IV, aussi emporté dans la nature que Grégoire VII fut dur dans la loi. Les forces semblaient d’abord bien inégales. Henri III avait légué à son fils de vastes États patrimoniaux ; la toute-puissance féodale en Allemagne, une

  1. App. 54.
  2. App. 55.