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HISTOIRE DE FRANCE

la terre, et apparurent aux regards des fidèles, qu’ils remplirent de consolations[1]. » Le Seigneur lui-même descendit sur l’autel ; le dogme de la présence réelle, jusque-là obscur et caché à demi dans l’ombre, éclata dans la croyance des peuples : ce fut comme un flambeau d’immense poésie qui illumina, transfigura l’Occident et le Nord. « Tout cela se trouvait annoncé comme par un présage certain dans la position même de la croix du Seigneur quand le Sauveur y était suspendu sur le Calvaire. En effet, pendant que l’Orient avec ses peuples féroces était caché derrière la face du Sauveur, l’Occident, placé devant ses regards, recevait de ses yeux la lumière de la foi dont il devait être bientôt rempli. Sa droite toute-puissante, étendue pour le grand œuvre de miséricorde, montrait le Nord qui allait être adouci par l’effet de la parole divine, pendant que sa gauche tombait en partage aux nations barbares et tumultueuses du Midi[2]. »

La lutte de l’Occident et de l’Orient, cette grande idée qui vient de tomber en paroles enfantines de la bouche ignorante du moine, c’est la pensée de l’avenir et le mouvement de l’humanité. De grands signes éclatent, des multitudes d’hommes s’acheminent déjà un à un, et comme pèlerins, à Rome, au mont Cassin, à Jérusalem. Le premier pape français, Gerbert, proclame déjà la croisade ; sa belle lettre, où il appelle tous les princes au nom de la cité sainte[3], précède d’un siècle les prédications de Pierre-l’Ermite. Prêchée

  1. Glaber.
  2. Id.
  3. App. 47.