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FRANCE FÉODALE

quel prix ! Il leur valait mieux tomber une fois entre les mains de Dieu et reposer à jamais, fût-ce dans une couche ardente. Il devait d’ailleurs avoir aussi son charme, ce moment où l’aiguë et déchirante trompette de l’archange percerait l’oreille des tyrans. Alors, du donjon, du cloître, du sillon, un rire terrible eût éclaté au milieu des pleurs.


Cet effroyable espoir du jugement dernier s’accrut dans les calamités qui précédèrent l’an 1000, ou suivirent de près. Il semblait que l’ordre des saisons se fût interverti, que les éléments suivissent des lois nouvelles. Une peste terrible désola l’Aquitaine ; la chair des malades semblait frappée par le feu, se détachait de leurs os, et tombait en pourriture. Ces misérables couvraient les routes des lieux de pèlerinage, assiégeaient les églises, particulièrement Saint-Martial, à Limoges ; ils s’étouffaient aux portes, et s’y entassaient. La puanteur qui entourait l’église ne pouvait les rebuter. La plupart des évêques du Midi s’y rendirent, et y firent porter les reliques de leurs églises. La foule augmentait, l’infection aussi ; ils mouraient sur les reliques des saints[1].

Ce fut encore pis quelques années après. La famine ravagea tout le monde depuis l’Orient, la Grèce, l’Italie, la France, l’Angleterre. « Le muid de blé, dit un contemporain[2], s’éleva à soixante sols d’or. Les riches

  1. App. 44.
  2. Glaber. — Sur soixante-treize ans, il y en eut quarante-huit de famines et d’épidémies. — An 987, grande famine et épidémie. — 989, grande famine. — 990-994, famine et mal des ardents. — 1001, grande famine. —