Page:Michelet - OC, Histoire de France, t. 1.djvu/177

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
119
DESTINÉE DE LA RACE CELTIQUE

céder aisément aux droits qui ne se fondent que sur une idée. Le droit d’aînesse leur est odieux. Ce droit n’est autre, originairement, que l’indivisibilité du foyer sacré, la perpétuité du dieu paternel[1]. Chez nos Celtes les parts sont égales entre les frères, comme également longues sont leurs épées. Vous ne leur feriez pas entendre aisément qu’un seul doive posséder. Cela est plus aisé chez la race germanique[2] ; l’aîné pourra nourrir ses frères et ils se tiendront contents de garder leur petite place à la table et au foyer fraternel[3].

Cette loi de succession égale, qu’ils appellent le gabail-cine[4], et que les Saxons ont pris d’eux, surtout dans le pays de Kent (gavelkind), impose à chaque génération une nécessité de partage, et change à chaque instant l’aspect de la propriété. Lorsque le possesseur commençait à bâtir, cultiver, améliorer, la mort l’emporte, divise, bouleverse, et c’est encore à recommencer. Le partage est aussi l’occasion d’une infinité de haines et de disputes. Ainsi cette loi de succession égale qui, dans une société mûre et assise, fait aujourd’hui la beauté et la force de notre France, c’était chez les populations barbares une cause continuelle de troubles, un obstacle invincible au progrès, une révolution éternelle. Les terres qui y étaient soumises sont

  1. Dans l’Italie antique, Deivei parentes. Voy. la lettre de Cornélie à Caïus Gracchus.
  2. App. 51.
  3. Ou bien ils émigrent. De là, le wargus germanique, le ver sacrum des nations italiques. Le droit d’aînesse, qui équivaut souvent à la proscription, au bannissement des cadets, devient ainsi un principe fécond de colonies.
  4. App. 52.