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GAULE CHRÉTIENNE

trice le servit à table. Dans sa vénération idolâtrique pour le saint homme elle allait jusqu’à ramasser et manger ses miettes. Ailleurs, on voit des vierges, dont il avait visité le monastère, baiser et lécher la place où il avait posé les mains. Sa route était partout marquée par des miracles. Mais ce qui recommande à jamais sa mémoire, c’est qu’il fit les derniers efforts pour sauver les hérétiques que Maxime voulait sacrifier au zèle sanguinaire des évêques[1]. Les pieuses fraudes ne lui coûtèrent rien : il trompa, il mentit, il compromit sa réputation de sainteté ; pour nous, cette charité héroïque est le signe auquel nous le reconnaissons pour un saint.

Plaçons à côté de saint Martin l’archevêque de Milan, saint Ambroise, né à Trèves, et qu’on peut à ce titre compter pour Gaulois. On sait avec quelle hauteur ce prêtre intrépide ferma l’Église à Théodose, après le massacre de Thessalonique.

L’Église gauloise ne s’honora pas moins par la science que par le zèle et la charité. La même ardeur avec laquelle elle versait son sang pour le christianisme, elle la porta dans les controverses religieuses. L’Orient et la Grèce, d’où le christianisme était sorti, s’efforçaient de le ramener à eux, si je puis dire, et de le faire rentrer dans leur sein. D’un côté les sectes gnostiques et manichéennes le rapprochaient du parsisme ; elles réclamaient part dans le gouvernement du monde pour Ahriman ou Satan, et voulaient obliger le Christ à composer avec le principe du mal. De

  1. App. 34.