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HISTOIRE DE FRANCE

pouvait plus payer l’impôt ; tantôt elle abandonnait le colon, le livrait au propriétaire, l’enfonçait dans l’esclavage, s’efforçait de l’enraciner à la terre ; mais le malheureux mourait ou fuyait, et la terre devenait déserte. Dès le temps d’Auguste, la grandeur du mal avait provoqué des lois qui sacrifiaient tout à l’intérêt de la population, même la morale[1]. Pertinax avait assuré la propriété et l’immunité des impôts pour dix ans à ceux qui occuperaient les terres désertes en Italie, dans les provinces et chez les rois alliés[2]. Aurélien l’imita. Probus fut obligé de transplanter de la Germanie des hommes et des bœufs pour cultiver la Gaule[3]. Il fit replanter les vignes arrachées par Domitien. Maximien et Constance Chlore transportèrent des Francs et d’autres Germains dans les solitudes du Hainaut, de la Picardie, du pays de Langres ; et cependant la dépopulation augmentait dans les villes, dans les campagnes. Quelques citoyens cessaient de payer l’impôt : ceux qui restaient payaient d’autant plus. Le fisc affamé et impitoyable s’en prenait de tout déficit aux curiales, aux magistrats municipaux.

Si l’on veut se donner le spectacle d’une agonie de peuple, il faut parcourir l’effroyable code par lequel l’Empire essaye de retenir le citoyen dans la cité qui l’écrase, qui s’écroule sur lui. Les malheureux curiales, les derniers qui eussent encore un patrimoine[4] dans l’appauvrissement général, sont déclarés les esclaves, les serfs de la chose publique. Ils ont l’honneur d’adminis-

  1. App. 24.
  2. Hérodien.
  3. App. 25.
  4. Au moins vingt-sept jugera.