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de toute matière comme telle. C’est ce qu’il a d’aîlleurs clairement formulé dans d’autres passages : vol. VII, p. 746 : Es hat aber aller koerperliche zeug oder materia aller ding in der gantzen Welt diese art, oder vilmehr diese tode unart, dass er plump ist und ungeschicht, von sich selber auss einem Ort in den andern zu wandern, und müssen derhalben von einem Leben, oder sonsten von aussen hero gezogen und getrieben werden.Ib. : Auf diese Weise sage auch ich, mit nur von dem mittelen, sondern von eim jedem Ort, wann etwas drein gesetzt werde, dass da ein toder Körper ist, wann es mit von dannen durch etwas anderes ausserhalb seiner gezogen werde, so koennt es auch von sich selbst mit von dannen kommen, darum dieweil es tod ist oder träg und unartig.

Dans ces conditions, évidemment, les mouvements persistants des corps célestes ont besoin de causes persistantes, afin de vaincre l’inertia qui tend continuellement à les éteindre. En ce qui concerne la révolution, Képler voit cette cause dans un fluide magnétique émané du soleil, ainsi que l’indique le passage que nous avions cité en premier lieu (cf. aussi, entre autres, ib., vol. VI. p. 311, 342, 343). Pour la rotation terrestre, il suppose des causes multiples (ib., ib., p. 175-177) dont la principale, semble-t-il, consisterait dans une propriété particulière de fibres circulaires disposées autour de l’axe terrestre. Mais il fait valoir aussi l’exemple de la toupie, et les expressions dont il fait usage en cette occasion se rapprochent de celles dont nous nous servons dans des cas de ce genre (comme par exemple : quantum vero materialem inertiam attinet, subjecti loco sit ad concipiendum impetum continuandamque rotationem). Toutefois, il convient de rappeler que cette manière particulière de considérer les corps en rotation était courante depuis l’antiquité (p. 98). Cusa était même allé, dans cet ordre d’idées, plus loin que Képler, puisqu’il avait conçu la perpétuité de ce mouvement de rotation par des causes purement mécaniques (p. 100 ss.), alors que, chez Képler, il apparaît comme devant diminuer de lui-même avec le temps (temporis diuturnitate debilitata paulatim emoriatur). C’est ce qui fait que cette species motus ne peut pas être, dans la terre, tout à fait la même que dans la toupie : non jam hospes amplius in Terra ut illa in turbine, sed inquilina plane seu materiæ suæ victrix et domitrix existens.

Notons, cependant, que Képler a tiré de ces considérations une conclusion importante, qui se rattache également, pour nous, au concept de l’inertie. Nous avons vu que Copernic avait cru devoir supposer un mouvement particulier de l’axe terrestre, destiné à lui conserver sa direction dans l’espace. Képler estime que cette supposition est inutile. C’est une correction qu’on attribue ordinairement à Gassendi (cf. par exemple De revolutionibus. Thorn, 1873, notes p. 10), mais elle se trouve déjà nettement indiquée dans l’œuvre de jeunesse de Képler, le Mysterium cosmographicum (éd. Frisch, vol. I, p. 121) ; Secundum motum in meram axis quietem