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certains points de vue, de la question du mouvement centrifuge, notamment quand il lui a fallu expliquer la (prétendue) absence de ce mouvement à la suite de la rotation terrestre (cf. p. 101).

Il a donc fort probablement eu le sentiment que le principe n’était pas entièrement suffisant pour expliquer les phénomènes tels que nous les apercevons sur terre. C’est pourquoi il a fait appel à la distinction entre le mouvement naturel et le mouvement violent établie par Aristote et fermement ancrée dans l’esprit de ses contemporains. Chez Aristote, il est vrai, le mouvement naturel circulaire n’appartient qu’aux corps célestes : mais comme, chez Copernic, la terre elle-même devient un corps céleste, pareil aux autres planètes, il est tout simple de lui attribuer, ainsi qu’aux objets terrestres qu’elle entraîne dans son mouvement et en tant qu’ils y participent, le même privilège. — Aristote supposait aux corps terrestres un mouvement naturel rectiligne, vers le bas (corps lourds) et vers le haut (corps légers). Copernic conserve cette notion, de sorte que les objets terrestres, chez lui, sont doués de mouvements naturels de deux sortes, d’une part circulaires et d’autre part rectilignes (vers le bas et le haut). Mais comme il a sans doute hésité à faire participer le mouvement rectiligne (probablement surtout celui qui s’accomplit en vertu de la pesanteur) au privilège reconnu au mouvement naturel circulaire, il s’est avisé d’une distinction entre eux. Le mouvement circulaire devient, en quelque sorte, le mouvement naturel ou simple par excellence, puisque le corps « persiste dans son lieu naturel et dans son unité » et que le mouvement « reste entièrement en lui-même ». Le mouvement vers le haut et le bas lui est inférieur en ce sens que le corps « a quitté son lieu naturel ou a été poussé dehors ». Copernic savait d’ailleurs que le mouvement des corps qui tombent n’est pas uniforme ; mais cette particularité qui, pour nous, est primordiale au point de vue de la caractéristique du mouvement en question, lui semble secondaire, il ne la mentionne qu’à la suite du passage que nous venons de citer, la distinction entre les mouvements accomplis en leur lieu et en dehors du lieu propre lui apparaissant comme bien plus importante.

Évidemment, tout ce système ne vise que l’astronomie ; c’est qu’en effet, nous l’avons dit, Copernic se préoccupe uniquement de celle-ci, ne traitant des phénomènes terrestres que pour écarter, de son mieux, les objections qu’on en pouvait tirer contre sa théorie. D’ailleurs, à ce point de vue même, le système reste fort imparfait ; c’est ce qu’on voit par les objections des adversaires, qui font valoir sans cesse des arguments tirés du mouvement des corps terrestres, tel que celui d’une pierre tombant du haut d’une tour. Il semble notamment que ce soient en grande partie des arguments de ce genre qui aient empêché Tycho Brahé d’adhérer à la théorie copernicienne, bien qu’il ait admis, par ailleurs, la