Page:Meyerson - Identité et réalité, 1908.djvu/439

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il convient cependant de reconnaître que cette manière de voir au sujet des opinions fondamentales de Newton ne peut être étayée sur des preuves directes. On voit par la Correspondance avec Cotes (Correspondence of Sir Isaac Newton with Prof. Cotes, etc. by J. Edleston. Londres, 1850, p. 158) que Newton, qui revoyait soigneusement les épreuves de la seconde édition, lesquelles lui étaient envoyées au fur et à mesure, a expressément refusé de parcourir celles de la préface de Cotes. I must not see it, for I find I shall be examined on it, écrit-il à son disciple. (Cotes avait d’abord, assez bizarrement, proposé que Newton seul, ou avec Bentley, écrivît cette préface, s’engageant d’avance à la signer et à la défendre ensuite, mais Bentley, au nom de Newton et au sien propre, avait repoussé d’emblée cette proposition, (ib., p. 150). Edleston pense (ib., p. 150) que le refus de Newton était motivé par les attaques dirigées par Cotes contre Leibniz, à propos du calcul infinitésimal, attaques dont Newton aurait voulu laisser l’entière responsabilité à son disciple. Mais on peut supposer à la rigueur que les opinions tranchées de Cotes, en ce qui concerne la gravitation, y étaient pour quelque chose et que Newton ne les approuvait pas pleinement. Il reste, cependant, infiniment plus probable que sa désapprobation (en la supposant réelle) s’adressait plutôt à la forme qu’au fond des conceptions de Cotes.

Il est curieux de constater que Cotes lui-même, plus tard, s’est exprimé de manière à affaiblir ses déclarations concernant la nature essentielle de la gravitation (ib., p. 158).

II

LES PASSAGES DE PLUTARQUE ET DE SIMPLICIUS

Pour le passage de Plutarque, nous nous sommes servi dans le texte (p. 97) de la traduction de Bétolaud (Paris, 1870, p. 139). La manière très approximative dont s’y trouvent rendues certaines expressions favorise, semble-t-il, la confusion. Voici une version que nous avons cherché à rendre aussi littérale que possible : « Et ce qui aide la lune à ne pas tomber, c’est son mouvement et la rapidité de sa révolution. Ainsi les objets placés dans une fronde ne peuvent tomber par suite du tournoiement en cercle. Car le mouvement qui est conforme à la nature conduit chaque chose si elle n’est pas détournée par quelque autre. C’est pourquoi la pesanteur ne conduit pas la lune, parce que le mouvement circulaire repousse l’inclination vers le bas. »

Le terme que Bétolaud a traduit par neutralise est ἐκαρουόμενον ; il signifie chasse, écarte, repousse. Duebner dans sa traduction latine (Paris, 1856) l’a rendu par excutit. Le terme ῥοπή que nous avons