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que, pour une grande partie de l’humanité actuelle, le concept de ces vibrations ne fasse partie du son, en tant qu’objet réel. La transformation qu’ont subie, en tant qu’objets, le soleil, la lune, le ciel, rentre également dans le même ordre d’idées. Ensuite, nous l’avons vu, au point de vue philosophique, du moment que nous admettons une intervention de la mémoire dans notre perception, nous sommes bien forcés d’admettre aussi celle de notre savoir, ce qui nous amène également à affirmer révolution du sens commun. Ainsi donc, il est possible que ce qui a été d’abord une hypothèse, une supposition, s’accorde tellement bien, dans les conséquences que nous en tirons, avec nos sensations qu’une liaison, une association de plus en plus intime s’établisse, et que finalement celle-là soit instantanément et automatiquement évoquée par celles-ci. À ce moment, l’hypothèse fera partie de la réalité du sens commun, elle sera devenue, selon la terminologie de M. Le Roy, un fait brut. Mais, au point de vue logique, il y aura peu de chose de changé, les faits bruts n’étant au fond que des hypothèses causales tout comme les faits et les théories scientifiques.

L’élaboration des hypothèses scientifiques se fait bien par la continuation du processus qui crée les réalités du sens commun ; mais le travail étant conscient, leur autorité s’en trouve amoindrie. Nous sentons qu’entre les hypothèses et les faits, il y a les lois ; ces dernières, tout en ne prétendant pas, comme les hypothèses, pénétrer dans le secret du travail de la nature, nous apparaissent donc plus près des faits eux-mêmes. Aussi, quand la loi, stipulant la conservation d’un concept, a l’air de créer un véritable objet, presque une chose en soi[1], cette règle exerce sur notre esprit la double autorité des lois et des hypothèses. Ce n’est là évidemment qu’une forme un peu différente de l’explication que nous avons donnée antérieurement (p. 193), mais peut-être la trouvera-t-on plus immédiate sous ce nouvel aspect.

À un degré moindre, parce que dérivant moins directement du principe causal, participent à cette autorité toutes les lois susceptibles d’une interprétation mécanique ou spatiale, comme celles qui régissent le rayonnement de la chaleur ou comme la loi de Newton. M. Poincaré, en parlant de la loi d’attraction, attribue à la constante 2 qui s’y trouve en qualité

  1. Il est permis de rappeler que le système de M. Ostwald aboutit à hausser l’énergie à cette dignité (p. 326) !