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CHAPITRE VII

L’UNITÉ DE LA MATIÈRE

Parménide se représentait l’univers comme une sphère matérielle et, apparemment, composée partout d’une seule et même matière. En d’autres termes il affirmait, en même temps que l’immutabilité essentielle de l’être matériel, son unité[1]

Cette conception se retrouve dans la plupart des systèmes atomistiques. Kanada, semble-t-il, avait conçu ses atomes comme divers ; mais chez les Jaïnas ils sont constitués d’une matière unique, toujours identique à elle-même[2]. Leucippe et Démocrite se sont exprimés avec beaucoup de netteté à ce sujet. « S’ils sont distincts par leurs formes, dit Aristote en parlant des atomes tels que les concevaient ces deux philosophes, ils n’ont cependant, à ce qu’on nous dit, qu’une seule et même matière, tout aussi bien que si, par exemple, chacun d’eux était un morceau d’or distinct et séparé[3]. » Les atomistes grecs de l’époque postérieure ont constamment maintenu l’enseignement des maîtres. Nous savons par un passage de Galien, lui-même adversaire des théories atomistiques, que l’unité de la matière était considérée en son temps comme faisant partie intégrante de ces doctrines[4]. Au moyen âge, alors que l’aristotélisme régnait souverainement, la croyance

  1. Cf. Zeller. Philosophie des Grecs, trad. Boutroux. Paris, 1877, vol. II, p. 43 ss.
  2. Cf. cependant à ce sujet p. 75, note 2.
  3. Aristote. Traité du ciel, l. Ier, chap. vii, § 18, cf. ib., l. IV, chap. ii, § 14. Zeller (l. c., vol. II, p. 50) établit la filiation qui rattache la doctrine des atomistes à celle de Parménide. M. Hermann Cohen (Logik der reinen Erkenntniss. Berlin, 1902, p. 29) fait également ressortir que l’atomistique est « issue de l’identité de Parménide ». (Cf. ib., p. 40, 187, 272.)
  4. Galien. Opera, éd. Kuehn. Leipzig, 1821. De elementis, I, p. 416-417, cf. Lasswitz. Geschichte der Atomistik, vol. I, p. 231 ss.